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Résumé des conférences 2005-2012

Les résumés sont classés par ordre alphabétique des conférenciers :

Aufrere
Baines 1
Baines 2
Barberio
Bickel Karnak
Bickel vallée
Bickel Osorkon
Bickel Osorkon II
Bosson
Boussac
Boutantin
Bussien
Chappaz
Chartier-Raymond
Clarisse 1
Clarisse 2
Claus
Collombert Hou
Corteggiani
Coulon
Cauville 1
Cauville 2
Barbotin statue
Barbotin écriture
Badinet
Chauveau
Cincotti
Delvaux
Dhennin
Donnat
Dewachter 1
Dewachter 2
Dormion
Dorn
El-Elany
Feder
Fournet
Gabolde Karnak
Gabolde Hatchepsout
Galan
Germond
Gourdon
Goyon Noun
Goyon Thot
Guermeur
Henri
Honegger
Laboury portrait
Laboury Hatchepsout
Laboury artistes
Labrique
Leblanc
Leclère
Lefèvre
Loeben
Maruéjol
Martzolff
Matthey
Meeks signes
Meeks prolégomènes
Meyrat
Morfin
Obsomer
Régen
Rondot
Ruffieux
Tallet 1
Tallet 2
Thiers
Tiradriti
Traunecker Padiamenopé
Traunecker réflexions
Traunecker Akhenaton
Ubertini
Vergnieux
Vernus papyrus érotique
Vernus porcs
Villars
Volokhine
Vuilleumier
Willems cachettes royales
Willems irrigation
Winand
Wüthrich
Zignani

Sydney AUFRÈRE

Crocodiles sauvages / crocodiles apprivoisés dans l’Égypte de l’époque tardive. Croyances régionales et interdits.

L’argument est, sur la base de l’examen des riches sources grecques et égyptiennes, l’étrange rapport bipolaire que les Égyptiens entretiennent avec le crocodile, ici apprivoisé et honoré jusqu’à la mort des riverains, là sauvage, dangereux et éradiqué, deux comportements qui, jalonnant la basse vallée du Nil, influent sur les croyances régionales et que l’on peut rapporter à d’autres croyances africaines, notamment dogones, pour actualiser et apprécier sur le plan ethnologique une réalité ancrée dans le passé dans une région où le crocodile a aujourd’hui totalement disparu.

John BAINES
La convivialité dans l’Égypte ancienne : une lacune dans nos connaissances.

 

Malgré la présence de nombreuses scènes de nourriture, boisson et préparatifs pour boire et manger sur les monuments égyptiens anciens, les images de personnes prenant part à ce qui est montré, séparément ou ensemble, sont plutôt rares. Pourtant, une sorte de convivialité est plus ou moins essentielle pour la vie humaine et  plus encore lorsqu'il s'agit de célébrations. Cette conférence utilisera les sources iconographiques et textuelles, ainsi que certains éléments de la culture matérielle, pour suggérer quelques éléments probables de convivialité et de réunions de l'élite, y compris des structures où des banquets pourraient s'être tenus. Quelques monuments offrent d'intéressants aperçus sur les banquets après les obsèques, et probablement aussi sur certaines fêtes répétées de communication avec les morts. L'omniprésence de la mort était considérée, peut-être plus qu'aujourd'hui, comme une raison pour manger et surtout boire avant qu'il ne soit trop tard, idée que les anciens Grecs considéraient comme exotique. De telles conceptions étaient très probablement liées aux habitudes des vivants plutôt qu'à celles des morts.

 

John BAINES
Les biographies : de la conduite d’une vie à la création d’un monument commémoratif.

 

Plus que dans la plupart des civilisations, les anciens Egyptiens - jusque dans des milieux sociaux relativement modestes - se faisaient représenter, et, dans une moindre mesure, décrire, dans la décoration des tombes, sur des stèles et dans la statuaire. Les textes, dont les formes écrites sont en partie issues de légendes d'images, se sont développés en des récits de plus en plus longs et divers qui ont complété ou sont allés au-delà de ce que les images pouvaient communiquer. Des milliers d'exemples survivent, fournissant une source extraordinairement riche pour étudier ce qui importait pour les gens dans leurs vies, quel souvenir ils souhaitaient laisser et comment ils ont modelé leurs présentations d'eux-mêmes. La création de biographies illustrées ou textuelles préoccupait les gens pendant leurs propres vies, ainsi que ceux qui étaient impliqués dans les besoins du mort, tant depuis la mort jusqu'à l'enterrement que pour la vie dans l'Au-delà. Ce séminaire proposera des suggestions concernant les institutions qui, parmi les vivants, entretenaient la pratique biographique et discutera un choix de monuments de caractère et dates très divers.


Florence BARBERIO
Nouvelles recherches sur la tombe de Séthi 1er: À propos de fragments décorés découverts par la mission MISR de l'Université de Bâle.

 

Les travaux menés depuis 1998 sur le site de la Vallée des Rois par la Mission MISR de l’Université de Bâle ont conduit à la mise au jour d’une très grande quantité de fragments décorés provenant de la tombe de Séthi Ier (KV 17). La découverte inattendue de ce matériel résulte des fouilles pratiquées à proximité de la tombe voisine (KV 18) qui, bien que prévue initialement pour Ramsès X, ne fut jamais achevée et resta inutilisée. Signalons que d’autres fragments du même type ont été également retrouvés à l’occasion des fouilles réalisées par Ted Brock aux abords des tombes de Séthi Ier et Ramsès Ier (KV 16), et que certains éléments ont même été découverts par Otto Schaden jusque dans la tombe d’Amenmès (KV 10). L’enregistrement de la documentation, commencé en 2003, est aujourd’hui pratiquement achevé. À ce jour, on dénombre près de 2300 fragments de paroi (ou de pilier) et presque autant de fragments de plafond. Les premiers se distinguent par le traitement du décor en bas-relief peint, à la différence des seconds qui sont seulement peints et présentent soit des restes de « ciel étoilé » soit des restes de « décor astronomique ». L’identification du décor subsistant sur les fragments de paroi permet d’en établir la provenance au sein de l’hypogée et autorise dans certains cas à replacer très exactement l’élément manquant dans son contexte d’origine. Les nombreuses dégradations subies par le tombeau de Séthi Ier depuis sa découverte en 1817 expliquent en grande partie l’existence de ce matériel. On rencontre néanmoins certains éléments (tant de paroi que de plafond) qui, faute de pouvoir être mis en relation avec le décor actuel de la tombe, pourraient témoigner d’un état antérieur de la décoration et parler en faveur de certains remaniements opérés dans la salle du sarcophage.

Christophe BARBOTIN

La statue d’un revenant au musée du Louvre

Le musée du Louvre conserve une extraordinaire statue au nom de Iâhmès, prince héritier présomptif à la XVIIe dynastie avant son décès prématuré. Divers indices montrent que l’effigie qui le représente fut autant crainte que révérée par ses contemporains comme par les générations ultérieures.

Christophe BARBOTIN

Écriture, aspective et perspective dans la statuaire pharaonique

C’est un lieu commun de rappeler la primauté de l’écriture en Égypte, mais un lieu commun qui recèle de multiples applications dont les formes plastiques nous cachent parfois le sens. Il sera donc proposé d’examiner certains principes qui régissent la conception antique de la statuaire à partir de ses archétypes hiéroglyphiques et des images en deux dimensions, puis d’évaluer l’influence exercée sur ce socle fondamental par le point de vue perspectif dont le développement fut remarquable au Nouvel Empire.

Thierry BARDINET

La médecine dans l’Égypte des pharaons : état des questions et perspectives

La publication récente d’un nouveau papyrus médical, le papyrus Louvre E 32847, doit être le prétexte d’une mise au point critique de nos connaissances sur la médecine des anciens Égyptiens, en considérant plus particulièrement ce que nous savons des textes, des théories médicales, du statut des médecins et de la pratique de leur art.

 

Susanne BICKEL
Le jubilé d'Amenhotep III, nouveaux documents de Karnak.

 

Le temple de Khonsou, à l’intérieur de l’enceinte de Karnak, est construit en grande partie avec des matériaux réutilisés. Pour le pylône et la cour, les bâtisseurs ont démonté une structure de l’époque d’Amenhotep III, entièrement décorée d’un cycle de reliefs dédié à la fête-sed de ce souverain. L’observation de la maçonnerie permet d’accéder à de nombreux fragments de ce décor complexe qui soulève des questions concernant l’organisation et le sens des rites de la fête jubilaire et l’évolution de son iconographie. La question de l’emplacement original de la structure d’Amenhotep III reste ouverte.

 

Susanne BICKEL
Travaux récents de l'Université de Bâle dans la Vallée des Rois.

 

Les travaux entrepris depuis 1998 par l’Université de Bâle à la Vallée des Rois se concentrent depuis 2009 sur le vallon latéral qui mène à la tombe de Thoutmosis III. Le but de ce nouveau projet est d’analyser ce secteur de la nécropole, utilisé pour des sépultures non-royales, dans ses dimensions topographique, chronologique et sociale. Qui avait accès au privilège d’une sépulture à proximité de celle des rois et à quelle période ? Comment ces tombes étaient-elles disposées et quelles normes architecturales suivaient-elles ?Six tombes ont pu être étudiées dont plusieurs n’avaient plus été « visitées » depuis le XIXe siècle. Elles n’ont pas été l’objet de relevés architecturaux de la part du Theban Mapping Project. Outre les plans et les spécificités architecturales de ces structures, les recherches ont permis de mettre au jour des fragments d’équipements funéraires susceptibles de fournir des renseignements sur leurs occupants. Des ostraca témoignent en outre du changement d’affectation de ce secteur de la Vallée au cours de l’époque ramesside.

 

Susanne BICKEL
Catastrophe à Louqsor – l’inscription d’Osorkon III

 

Une longue inscription gravée en hiératique sur le soubassement de la salle hypostyle du temple de Louqsor commémore l’inondation dévastatrice survenue en l’an 3 d’Osorkon III (env. 800 av. J.-C.) et relate les réactions à la fois officielle et populaire face à cette catastrophe. Cette composition est unique par le nombre de genres textuels qu’il combine et la diversité des stratégies mises en œuvre pour invoquer Amon afin qu’il rétablisse l’ordre.

 

Susanne BICKEL
Catastrophe à Louqsor – l’inscription d’Osorkon III - séminaire

 

Le cours focalisera sur certains passages du texte d’Osorkon III. Nous tenterons une analyse littéraire et une mise en contexte du thème de la théodicée. Comment peut-on graver des reproches à Amon pour mauvaise gestion du monde sur les murs de son temple ?

 

Nathalie BOSSON 

L’Évangile de Judas: la saga d’un héros malgré lui

 

En 2007, la National Geographic Society publiait à grand renfort de médiatisation un Évangile de Judas (enfin) retrouvé, constituant l’un des quatre traités gnostiques que contient le Codex Tchacos, codex de papyrus datant du IVe s., découvert dans la région d’Al-Minya, en Moyenne Égypte. Or, sitôt publié, la communauté scientifique s’est divisée, suscitant une avalanche de traductions dans toutes les langues du monde, d’interprétations et de controverses. L’enjeu est de taille, croit-on ! du fait que son personnage central n’est rien moins que Judas, archétype chrétien du traître, figure centrale de la théologie de l’expiation. Dès les premières lignes de ce dialogue de révélation, — genre littéraire fort prisé à l’époque, — où Jésus s’entretient quelques jours avant Pâques avec Judas et les apôtres, des difficultés surgissent, pour la plupart dues au caractère lacunaire du texte. La plus notable, motif des polémiques, réside dans le rôle ambigu qu’y joue Judas. Pour les auteurs de l’editio princeps*, Judas est une figure positive qui aide Jésus à sacrifier son enveloppe charnelle. Ainsi, certains aime(ro)nt à imaginer que sa réhabilitation pourrait bien ébranler les fondements du christianisme, perspective que des médias ont habilement tenté d’instiller dans les esprits. À l’inverse, leurs détracteurs voient dans le héros du récit un démon, une figure négative, inféodé à la fatalité astrale, à la matérialité : résolument tout aussi méchant que dans la Bible… Il faut dès lors s’interroger sur le ou les buts poursuivis par l’auteur de cet Évangile. Tenter de comprendre ce que nous dit cette tragi-comédie, dont le théâtre du drame est d’ordre cosmique. Comment, raisonnablement, interpréter les thèmes majeurs constitutifs d’un texte dans lequel l’auteur joue subtilement avec l’intertextualité, alors même que le christianisme primitif connaît une extraordinaire diversité. Les éclairages apportés, souhaitons-le, permettront à chacun de se forger sa propre opinion sur le héros de ce traité relevant de la mouvance gnostique « séthienne ». Rappelons enfin que le Codex Tchacos, propriété de la Fondation Maecenas pour l’art (Zürich), est actuellement en dépôt à la Fondation Martin Bodmer, à Cologny. * Cf. R. KASSER, G. WURST, et al. (éd.), The Gospel of Judas. Together with the Letter of Peter to Philip, James, and a Book of Allogenes from Codex Tchacos. Critical Edition, National Geographic Society, Washington D.C. 2007).

 

Marie-Françoise BOUSSAC
Taposiris et Plinthine : deux sites en Maréotide 

 

Depuis 1998 la mission archéologique de Taposiris Magna explore deux sites voisins, situés à l’ouest d’Alexandrie, en Maréotide, et implantés sur le cordon de grès dunaire (taenia) qui sépare d’Est en Ouets la Méditerranée au nord et le lac Maréotis au sud.  
Plinthine est connue par les sources grecques dès le Ve siècle, mais archéologiquement n’est pas attestée après la fin du 1er s. av./début du 1er s. ap. J.-C. ; Taposiris se développe jusqu’au 7e s. ap. J.-C., mais n’est pour l’instant pas signalée avant l’époque hellénistique (3e s. av. J.-C.). Le développement de Taposiris, lié notamment à une politique royale et à une fonction de porte (fiscale, économique, militaire), a favorisé le déclin de Plinthine et facilité un phénomène de transfert. Mais nous partions de l’idée que les deux agglomérations étaient essentiellement sinon entièrement des villes grecques, issues de la colonisation gréco-macédonienne qui a suivi la conquête d’Alexandre et l’installation des Lagides. En 2013 et surtout en 2014, nous avons dû revoir cette hypothèse initiale et envisager l’histoire de cette zone sur la très longue durée : à Plinthine, nos fouilles ont mis au jour une occupation à la Basse Époque et, en 2014, un fragment de stèle du Nouvel Empire. 

 

Céline BOUTANTIN
Terres cuites et cultes domestiques en Égypte gréco-romaine

 

Les figurines en terre cuite moulées ont été fabriquées en très grand nombre principalement entre le IIIe s. av. J.-C. et le IVe s. ap. J.-C. Elles représentent des dieux, des animaux ou encore tout un cortège de personnages associés aux fêtes religieuses. De piètre qualité artistique, de provenance le plus souvent inconnue et datés de manière approximative, ces objets ont peu suscité l’intérêt des chercheurs et sont longtemps restés enfouis dans les réserves des musées. Pourtant, destinés à être placés dans les maisons afin d’en assurer la protection, ils permettent de mettre en lumière les manifestations religieuses « personnelles », désignant par ce terme, l’ensemble des pratiques, et des gestes, qui, en marge des cultes officiels, reflètent les liens individuels que le fidèle tisse avec une ou plusieurs divinités. L’étude des différents thèmes représentés menée en parallèle avec celle du mobilier provenant des maisons et du matériel trouvé aux abords des temples permet de mettre en évidence des choix iconographiques dont certains sont révélateurs des changements culturels intervenus à cette époque.

 

Loriane BUSSIEN
Mehet-ouret et l'iconographie de la vache céleste.

 

Le motif de la vache céleste est aussi ancien que les premières dynasties et se retrouvera tout au long de l'histoire égyptienne. Plusieurs déesses y sont associées notamment Hathor, Nout et également Mehet-ouret. Cette dernière est moins connue, mais elle gardera de manière constante des attributs bovins à travers les périodes pharaoniques et gréco-romaine.

 

Sylvie CAUVILLE

La Vallée des Rois : des couleurs dans les ténèbres

Lors de son trajet nocturne, Rê réveillait les couleurs des tombes royales : des teintes claires à l’entrée, puis des jaunes, enfin les rouges et bleus profonds de la salle du sarcophage.

Faut-il penser que les Égyptiens considéraient l’âme du pharaon comme elle aussi assez forte pour, dans le noir absolu de l’hypogée, donner la vie à ces couleurs et, de ce fait, aux dieux et aux astres ?

Une telle conception de la théogenèse aura peut-être inspiré les premiers alchimistes — avec leurs métamorphoses aux quatre couleurs —, visiteurs probables de ces tombes ouvertes à tous dès l’antiquité.

Sylvie CAUVILLE

Les derniers temples : des parois couvertes d'hiéroglyphes

 

Disposant de bibliothèques millénaires et accordant le primat au texte — et non plus à l’image —, les hiérogrammates de l’époque grecque puis romaine couvrent les temples d’hiéroglyphes à l’écriture raffinée, qui définissent les dieux et décrivent les rituels avec une cohérence faisant des temples de véritables sommes théologiques.

Certains de ces sanctuaires sont nationaux (Edfou et Dendara), d’autres régionaux (Philæ, Kom Ombo et Esna), d’autres encore simplement locaux (temples péri-thébains).

La richesse de ces textes engage, une fois la lecture acquise, à dépasser la traduction parcellaire pour tenter de pénétrer la pensée globale de rédacteurs dont le mode d’écriture archaïque n’a guère entravé la virtuosité rédactionnelle.

Jean-Luc CHAPPAZ
Les égyptologues Édouard et Marguerite Naville.


« Deir el-Bahri 1906 – Le sanctuaire de Hathor déblayé, vu le matin » (cliché Marguerite Naville, © Musée d’art et d’histoire, Genève)

Édouard Naville (1844-1926), savant universellement reconnu, fut l’un des plus brillants égyptologues de son temps et ses travaux font encore autorité. Grâce à son érudition, grâce aux soins et à la réflexion apportés à ses publications, il proposa des modèles d’édition des grands textes religieux égyptiens (Livre des Morts), d’épigraphie monumentale (temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari) ou de comptes rendus de fouilles archéologiques. Il fut secondé, dans toutes ses activités, par son épouse Marguerite, née de Pourtalès (1852-1930). En 1989, Denis van Berchem jetait un éclairage original sur les jeunes années du chercheur en publiant des lettres adressées à sa famille. D’autres documents, retrouvés depuis lors (journaux de voyages et de fouilles, correspondance de Marguerite Naville, dessins et photographies), permettent de compléter et d’enrichir cette approche et de suivre, au gré d’une documentation encore parcellaire, la profonde relation, quasi passionnelle, qui a uni le couple, ses enfants et la terre égyptienne.

 

Maryvonne CHARTIER-RAYMOND
L’eau dans les sites miniers pharaoniques au Sud Sinaï

 

Les sites miniers du Sud Sinaï ont été exploités depuis le tout début de l’histoire égyptienne pour fournir en cuivre et en turquoise les temples et le trésor royal. Ils forment un ensemble complexe disséminé dans le massif montagneux. Les noms des sites de Sérabit au nord et de Maghara sont les plus connus. Les expéditions malgré la brièveté des séjours et l’irrégularité de leur présence, ont su comprendre et mettre en valeur la disposition et les conditions naturelles des lieux pour optimiser leur travail. L’eau en est un exemple. Les nombreux mineurs en avaient besoin pour leur vie quotidienne et leur alimentation, ils en avaient aussi besoin pour les libations aux divinités. Et surtout, l’eau était essentielle pour leur travail. Pourtant qui a visité cette région est frappé par l’absence apparente d’eau. Cependant les conditions climatiques antiques avaient favorisé la présence d’une couverture végétale plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui. La présence d’arbres dont ils faisaient du charbon de bois était nécessaire aux mineurs pour la transformation du minerai de cuivre en métal. L’importance des scories au Ouadi Naseb témoigne de la présence jadis d’une végétation très florissante favorisée par une source abondante et qui existe encore aujourd’hui. L’observation des fonds et des rives des ouadis révèle le passage de torrents violents qui ont érodé les bords et déposé sable et gravier à la limite supérieure atteinte par les eaux et dans les cônes de déversement comme celui à l’embouchure du Ouadi Baba dans la plaine de Markha. Des orages et les pluies de fin d’automne et d’hiver peuvent tomber en abondance. Les expéditions ont su conserver cette eau saisonnière. Les mines pour l’exploitation du cuivre et de la turquoise étaient creusées en tranchées ou en tunnels, parfois en exploitation à ciel ouvert. Les carrières creusées parfois sur d’anciens sites de mines donnaient aux Egyptiens la pierre pour le temple de Sérabit et ses nombreuses stèles. Les mineurs ont compris l’utilisation possible de ces aménagements pour les transformer en citernes et ainsi assurer leur ravitaillement en eau. Un exemple étonnant d’utilisation de l’eau et de son abondance relative est l’existence de tables de lavage aménagées à proximité de certaines mines de turquoise. Elles montrent des lignes parallèles de piquetis et de trous creusés dans la roche, correspondants à des sortes de filtres et de piquets retenant des filets. Les mineurs pouvant ainsi nettoyer la turquoise de sa gangue lors de sa découverte et de son affinement. L’eau était ensuite récupérée et réutilisée. L’extraction de la turquoise selon les croyances des anciens Egyptiens n’était possible que si la divinité, Hathor, dame de la turquoise, le voulait. D’où l’importance, et même la nécessité de son culte, et la quantité d’inscriptions de prière et de louange gravées par les expéditions. Un petit sanctuaire inachevé taillé au nord-ouest du temple, montre un aménagement inhabituel. Situé le long de la pente, il profite d’un petit écoulement supplémentaire et reçoit ainsi la moindre eau de pluie en libation automatique, même lors de l’absence des expéditions. Ainsi même si l’eau n’est pas un élément apparent du massif montagneux, les mineurs pharaoniques ont su parfaitement comprendre et tirer remarquablement parti de la géographie et des éléments naturels pour pouvoir mener avec succès leur mission. 

Michel CHAUVEAU

Ce que nous disent les textes... (introduction générale)

Les textes anciens, qu’ils soient de nature documentaire, didactique ou littéraire, ne se laissent jamais comprendre aisément, et le traitement auquel ils doivent être soumis afin de les transformer en sources fiables pour l’étude des civilisations passées est un processus d’une redoutable complexité dont aucune étape ne peut être traitée avec négligence sans risquer un contresens susceptible d’égarer l’historien trop confiant.

Ces étapes sont évidentes : le déchiffrement de l’écriture, à la lumière de l’étude paléographique, permet une translittération. Celle-ci ouvre la voie aux analyses grammaticale et lexicale, indispensables à l’établissement d’une traduction aussi exacte que possible. Ensuite, la comparaison avec les textes parallèles déjà édités, en synchronie et en diachronie, et l’intégration dans le contexte historique et culturel parachèvent le travail de l’éditeur.

De multiples pièges peuvent cependant entraver le bon déroulement de ce processus, et, pour les déjouer, l’éditeur doit, en plus de ses compétences de philologue et d’historien, se fier aussi à son intuition, qualité subtile bien difficile à définir et à mesurer !
Ces considérations générales seront illustrées dans le cadre du corpus démotique égyptien par quelques exemples de textes, documentaires et littéraires (ostraca de Manâwir, « Prophétie de l’Agneau », « Les invectives de Tbêkis »), publiés ou revisités par l’auteur.

Silvana CINCOTTI

« La main heureuse » : le Fonds Rifaud et l’étude des fouilles à Louxor au début du XIXe siècle

La recherche présentée a pour but de donner une identité et de restituer un contexte aux objets archéologiques qui font partie des premières acquisitions du Musée Égyptien de Turin et de reconstruire l'histoire de leur découverte.

Le Fonds Rifaud, conservé à la Bibliothèque de Genève, est une source d'information privilégiée. Dans ses manuscrits Jean-Jacques Rifaud précise l’envergure et les limites de son travail à Thèbes.
La recherche permet de mettre en évidence le lien entre les objets de Turin et d’autres collections européennes et, dans certains cas, de réunir des pièces qui sont actuellement divisées, mais qui appartenaient à l’origine à un même contexte archéologique. Elle offre ainsi la possibilité de créer une nouvelle connexion entre le passé et le présent.

Willy CLARISSE
L’Égypte ptolémaïque: une société à deux faces

 

L’Egypte ptolémaïque : une société à deux faces Sur leurs monnaies les Ptolémées se présentaient comme des princes gréco-macédoniens, tandis que sur les parois des temples égyptiens ils étaient des pharaons traditionnels. A côté de leur nom grec (Ptolémée, Arsinoé, Cléopâtre) ils portaient aussi des noms égyptiens dans la tradition pharaonique. Beaucoup de personnes qui s’étaient engagées dans le service du roi (dans l’administration et l’armée) posaient de la même manière comme égyptiens ou comme grecs selon qu’il s’agissait de leur fonction publique ou de leur vie privée. Même les dieux pouvaient se présenter sous forme égyptienne (sur les parois des temples) ou grecque (dans certains monuments privés). Les cultures grecque et égyptienne étaient tellement différentes qu’on ne trouvait que difficilement un moyen de les amalgamer, mais beaucoup de personnes participaient aux deux mondes et développaient une double identité. Ce phénomène sera illustré au moyen de plusieurs cas individuels, pris parmi les administrateurs et les militaires de différents niveaux.

 

Willy CLARISSE
Grecs et Égyptiens dans l’Égypte ptolémaïque: le point de vue du gouvernement

 

Grecs et Égyptiens dans l’Égypte ptolémaïque : le point de vue du gouvernement Ce séminaire partira de l’étude de quelques fragments de listes, où sont énumérée et comptés tous les contribuables du royaume, par village, par toparchie et par province. La population était comptée par métier, par ethnique, par famille pour chaque village et les totaux donnent pour la première fois une idée du nombre d’habitants dans la vallée du Nil à cette époque, mais aussi de la distribution des métiers et de plusieurs groupes ethniques, comme les Grecs, les Perses et les Arabes. En même temps on comptait aussi les contribuables maison par maison et ces listes montrent comment Grecs et Égyptiens vivaient côte à côte, mais aussi comment les Grecs étaient privilégiés. Chaque contribuable appartient à un groupe bien déterminé et le choix libre qui semble régner dans la première conférence semble disparaître. Mais il y tout de même des traces de brassage de la population et on peut voir comment certains groupes trouvaient le moyen d’entrer parmi les privilégiés.

 

Benoit CLAUS
Ramsès III a-t-il été assassiné ? Enquête à la Cour de Pharaon.

 

Au 3e mois de Shémou, le 16e jour, de la 32e année de règne de Ramsès III, un policier se présenta à Deir el-Médineh, le village où étaient « cloîtrés » les artistes en charge de la décoration de la tombe royale, et leur annonça: « Le faucon s’est envolé vers le ciel à savoir Ramsès III; le fils de Rê Ramsès IV, le souverain, s’est assis sur le trône de Rê à sa place. »Un souverain s’en allait, un autre s’en venait. Quoi de plus normal dans la succession des générations. Ce qui peut paraître moins normal, c’est la suspicion d’un complot telle que la justice doit être appelée pour clarifier les circonstances du décès ! Les proches du roi, le harem royal mais aussi la famille royale semblent être à l’origine de ce décès.Aussi, pour « apprécier » les enjeux de ce complot, il faut, au départ de cette enquête menée il y a plus de 3000 ans, étudier l’histoire institutionnelle et économique de la XXe dynastie.À notre tour donc, cette conférence se veut comme une enquête (toute histoire est une enquête) sur les événements que nous relatent, parfois par de nombreux euphémismes ou circonlocutions, quelques papyrus: corruption, détournement de fonds, envoûtements, parties fines… Des questions simples y seront posées: Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? et Pourquoi ? Des réponses plus compliquées y seront apportées !Il nous faudra aussi « descendre sur les lieux du crime », à Thèbes, et y rechercher les traces de la présence Ramsès III mais aussi celles du lobbying qui se dissimulait derrière les conjurés et incita le complot.

 

Philippe COLLOMBERT
Hou 2009. Premiers résultats de la mission de l’Université de Genève.

 

Le petit village de Hou se trouve en Haute-Égypte, à mi-chemin entre Abydos et Dendera. Créé par Sésostris Ier, il ne s’agit au départ que d’un simple domaine agricole nommé Hout-sekhem-Kheper-ka-Rê, destiné à alimenter les autels du dieu Amon à Thèbes. Pourtant, au fil des années, la localité se développe jusqu’à devenir la métropole du 7e nome de Haute-Egypte. Redevenue une bourgade de second ordre à l’époque moderne, Hou n’a jamais attiré l’attention des égyptologues, probablement occultée par les riches monuments de ses prestigieux voisins, Abydos et Dendera. Pourtant, disséminés en plein milieu du village actuel, subsistent encore des vestiges, modestes, qui témoignent de l’importance passée du lieu. L’unité d’égyptologie de l’Université de Genève a décidé d’intervenir afin de sauvegarder ces précieux témoignages et a créé une mission d’étude. Il s’agissait, pour cette mission initiale, de procéder à un inventaire des structures en place et d’effectuer les premiers relevés, topographiques et épigraphiques. Ce sont les premiers résultats de cette campagne, qui s’est déroulée pendant le mois de juillet 2009, qui seront présentés en première exclusivité à la Société d’Égyptologie de Genève lors de cette séance.

 

Jean-Pierre CORTEGGIANI
Un notable de Deir el-Medina: le scribe Ramosé

 

Le scribe royal Ramosé derrière Ramsès II et le vizir Paser (TT 7) Stèles, statues, bas-reliefs, éléments architecturaux : pas moins d’une cinquantaine de monuments inscrits à son nom font du scribe royal Ramosé, qui a exercé ses fonctions au cours de la première moitié du règne de Ramsès II, une des personnalités les plus importantes et mieux connues de “l’Équipe de la Tombe”, cette communauté d’artistes et d’artisans qui eut pour tâche de préparer les sépultures royales du Nouvel Empire.

 

Laurent COULON
Le "fétiche" osirien d'Abydos et son culte à Thèbes du Nouvel Empire à l'époque tardive 

 

L'un des emblèmes attachés spécifiquement au dieu Osiris est le « fétiche abydénien », qui fut élevé par les Égyptiens des époques tardives au rang de reliquaire conservant la tête du dieu. L'objet se présente comme une châsse posée au sommet d’un bâton fiché dans une base en forme de signe-djouet souvent entouré de différentes entités protectrices ou enseignes. À Abydos, le fétiche faisait l'objet d'une procession spécifique largement représentée sur les parois des temples du Nouvel Empire construits dans ce site, et particulièrement celui de Ramsès II. Dès cette époque, ce culte abydénien fut adopté comme l'une des formes majeures de la religion osirienne pratiquée à Thèbes. À la Troisième Période intermédiaire, à la Basse Époque et jusqu'à l'époque ptolémaïque, les représentations du fétiche sur les statues dédiées par les particuliers dans le temple de Karnak reflètent le développement de ce statut privilégié, à l'égal de celui de la barque de Sokaris. Les fouilles récentes de l'IFAO et du CFEETK dans le secteur nord du temple d'Amon à Karnak ont révélé le fonctionnement des chapelles qui abritaient le culte du fétiche abydénien aux époques éthiopienne et saïte. C'est cette transposition des fêtes d'Abydos devenue l'un des aspects majeurs du culte osirien à Thèbes que nous nous proposons d'illustrer à travers les résultats récents de l'archéologie et de la recherche égyptologique.

 

Luc DELVAUX
Senenmout récompensé par Hatshepsout : L’ « humble serviteur » et les « écrits des ancêtres »

 

Les portraits de Senenmout, grand intendant d’Amon sous le règne de Hatshepsout, sont particulièrement nombreux : pas moins de vingt-cinq statues, offertes pour la plupart au dignitaire par la reine. Ces monuments, conçus à l’initiative royale, évoquent les principales fonctions de Senenmout, notamment celle de précepteur de la princesse Neferourê, fille de Hatshepsout. Leur analyse permet d’étudier les modalités du don royal de statues à la 18e dynastie, le mécanisme complexe de leur mise en place dans les temples, et l’association de ces cadeaux royaux aux grands événements du règne. Mais elle mène aussi à comprendre comment la créativité des sculpteurs égyptiens se combine avec la référence à la tradition, pour élaborer ces images de pouvoir qui, par la complexité de leur discours, apparaissent comme de véritables créations intellectuelles, destinées aux lettrés de l’élite dirigeante. 

 

Michel DEWACHTER

Originalité du temple d’Amada (un nouveau regard sur l’héritage nubien)

 

Sans l’inscription du petit temple d’Amada, il y a soixante ans, dans la liste UNESCO des vingt monuments nubiens à sauver coûte-que-coûte parmi tous ceux que menaçait la construction du haut barrage d’Assouan, il serait impossible aujourd’hui d’apprécier la réelle originalité de ce sanctuaire thoutmoside, véritable sentinelle au grand coude du Nil.

C’est l’analyse de plusieurs particularités de ce décor exceptionnel, préservé grâce aux efforts conjugués de la France et du Service des Antiquités de l’Égypte, que propose cette conférence à l’heure où l’UNESCO, embarrassée par l’administration de ses trop nombreux classements et labels, est devenue inaudible malgré la destruction médiatisée du patrimoine mondial.

Michel DEWACHTER

Historiographie ou archéologie de papier ? L’égyptologie face à ses archives

 

Avec le temps et le développement de l’égyptologie, la nécessité de préciser, voire de réviser, l’origine et l’histoire de l’ensemble du matériel à disposition, non seulement réclame dorénavant l’engagement de chacun mais impose aussi de nouvelles approches. À partir d’exemples significatifs, choisis dans les domaines de l’archéologie, la muséologie et l’archivistique, tentons de définir ensemble les contours de la nouvelle curiosité. À mon avis, c’est à ce seul prix que l’égyptologie, souvent trop confiante en des résultats provisoires, reviendra sur le chemin de la saine inquiétude, indispensable à l’historien comme l’enseigna Fernand Braudel.

Sylvain DHENNIN
Premiers résultats archéologiques à Térénouthis-Kôm Abou Billou. Temple, ville et nécropole d’un site du delta du Nil.
 

Depuis 2013, l’Ifao a débuté des travaux archéologiques sur le site de Kôm Abou Billou, à l’ouest du Delta. Après une prospection générale du site et la réalisation d’un premier plan masse, les fouilles ont commencé en 2014 avec pour objectif l’étude générale de l’urbanisme entre l’époque pharaonique et l’époque byzantine. Kôm Abou Billou a abrité le site de la Mefkat pharaonique, puis la Térénouthis gréco-romaine. Celle-ci fut le point de convergence de pistes caravanières qui assurèrent sa prospérité. L’objectif du programme de recherche est d’évaluer l’ensemble des fonctions de la ville et leur évolution sur le long terme, en s’appuyant sur une étude extensive de l’urbanisme. Outre la prospection générale du site, des travaux de fouille et de relevé ont été commencés dans la ville, le temple d’Hathor et la nécropole. La conférence présentera les premiers résultats obtenus sur ces différents secteurs.

 

Sylvie DONNAT
Couleurs et perception du monde dans le système des représentations égyptien

 

La question de la couleur et de son phénomène de perception a retenu l’attention des penseurs depuis l’Antiquité classique. Les Égyptiens n’ont, pour leur part, laissé aucun traité théorique sur la couleur, mais les textes et les pratiques qui lui sont attachés témoignent de l’importance de l’univers chromatique dans la pensée et l’esthétique égyptiennes. Le but de cet exposé est double : d’une part expliciter la conception égyptienne de la couleur, notamment par l’examen des divers lexiques chromatiques et des associations les plus courantes dans lesquelles cette notion apparaît (avec la lumière, la peau/surface et les pierres fines), et d’autre part montrer comment la couleur fait sens, l’apparence colorée d’une réalité étant, aux yeux des anciens Égyptiens, comme un révélateur de sa substance. Abordant la question de la couleur, cette conférence se veut ainsi une invitation à tenter d’embrasser momentanément un regard égyptien sur le monde. 

 

Gilles DORMION et Jean-Yves VERD’HURT
La Chambre de la pyramide de Meïdoum

 

Attribué à l'obscur pharaon Houni, le monument à degrés de Meïdoum aurait été transformé en pyramide véritable par son successeur Snéfrou, premier pharaon de la IV° Dynastie et père de Chéops : ces différentes étapes ont depuis longtemps été identifiées en raison du délabrement extérieur du monument. Sans doute en raison de sa simplicité, l'appartement n'avait cependant pas retenu toute l'attention requise. Pourtant, en 1999-2000, une analyse architecturale élémentaire a abouti à la découverte et à la visualisation, par endoscopie, d'un dispositif de décharge inconnu, comprenant deux couloirs et deux chambres voutés en encorbellement. Par ailleurs, il semble que la pièce considérée comme telle ne puisse pas être la chambre funéraire et que cette dernière se situe derrière une paroi dont l'appareil recèle de multiples détails suspects.

 

Andreas DORN
Le campement des ouvriers de la Tombe dans la Vallée des Rois (Nouvel Empire, env. 1150 av. J.-C.)

 

La découverte d’un ensemble de huttes d’ouvriers dans la Vallée des Rois a été réalisée par le projet MISR: « Mission Siptah – Ramses X. » de l’Université de Bâle (Suisse) au cours de l’exploration des alentours de l’entrée de la tombe de Ramsès X (KV 18) de 1998 à 2005. L’importance du campement au temps de Ramsès IV donne une nouvelle vision de la Vallée des Rois : le paysage n’est plus seulement marqué par les falaises et les pentes rocheuses où s’ouvrait l’entrée des tombes, ni par les déblais d’excavation entassés en différents endroits ; il comprend également un ensemble de huttes agglutinées les unes aux autres, qui couvrait une surface considérable. La Vallée des Rois n’était pas uniquement un endroit sacré, un lieu isolé renfermant la sépulture des rois du Nouvel Empire, mais aussi un chantier permanent servant en même temps de domicile temporaire aux ouvriers. Les huttes n’étaient pas seulement de simples « cabanes de chantier », mais aussi des demeures modestes aux ouvriers qui y vivaient pendant leur semaine de travail de neuf jours (le dixième jour étant leur jour de congé). Un chevet retrouvé in situ dans l’une des huttes fait bien ressortir le fait que celles-ci étaient utilisées comme lieu de repos. Les objets provenant des huttes nous donnent de nouvelles informations sur les différentes sphères de la vie sur le chantier et de la vie quotidienne des ouvriers de Deir el-Medine : la nourriture sur le site, l’éducation des élèves en dessin et en écriture, l’administration du travail et les pratiques religieuses. Les stèles par exemple sont l’expression de la piété personnelle des ouvriers. Elles témoignent du besoin d’entrer en contact direct avec une divinité choisie, objet d’une piété particulière. Le contexte des trouvailles et surtout l’absence d’inscriptions dédicatoires sur ces stèles montrent clairement qu’il ne s’agit pas d’objets votifs, qui auraient été plus tard consacrés en offrande dans un sanctuaire, mais d’objets de possession privée, qui faisaient partie de l’inventaire d’une pièce d’habitation. De plus, les différentes stèles avec les noms des adorateurs mises au jour sur le site permettent d’identifier certains des occupants de ces huttes, ce qui jusqu’à présent était uniquement possible à Deir el-Medine même. 

 

Khaled EL-ELANY
La vénération posthume des pharaons.

 

Alors que le souvenir de nombreux pharaons s’estompa rapidement après leur décès, d’autres, moins nombreux, furent l’objet d’un hommage posthume important de la part des générations ultérieures – rois aussi bien que particuliers. Les aspects de la vénération post mortem du pharaon sont très divers: maintien de son culte funéraire, entretien et restauration de ses monuments, représentation ou vénération sur les monuments des périodes ultérieures, dédicace de monuments votifs à son honneur, invocation à l’instar des dieux dans les proscynèmes, constitution de noms basilophores formés à partir du sien ou emprunt d’un, voire de plusieurs éléments de sa titulature, etc.Cet exposé s’intéresse en particulier à la vénération posthume des pharaons de l’Ancien et du Moyen Empire, tels Djoser, Snéfrou, Ounas, Téti, Montouhotep-Nebhépetrê, Sésostris Ier, Sésostris III et Amenemhat III.

 

 

Frank FEDER
Le Thesaurus Linguae Aegyptiae (TLA) - un corpus de textes égyptiens sur internet.
 

Le Thesaurus Linguae Aegyptiae est un corpus digital de textes égyptiens transcrits et traduits en allemand, qu’on peut consulter et utiliser via internet depuis 2004. Il est lié à un lexique basé sur les lemmes du « Wörterbuch » de Berlin (« Berliner Wortliste »). Chaque texte est accompagné d’une bibliographie et d’informations sur la provenance, la datation, le matériau, etc. de l’objet sur lequel se trouve le texte. Le lexique propose également une traduction anglaise.Le grand avantage du TLA, en plus du fait de pouvoir être consulté partout au monde où l’on dispose d’un accès internet, est qu’il s’agit d’un système qui peut être successivement élargi, actualisé et corrigé. Le TLA a aussi le potentiel de permettre, dans l’avenir, des recherches grammaticales ou linguistiques. Et, bien entendu, le TLA peut être facilement utilisé comme un dictionnaire traditionnel, mais avec l’avantage d’avoir la possibilité de se rendre compte de l’utilisation d’un mot directement dans son contexte.L’actualisation du TLA, qui va être effectuée courant novembre 2005, inclura également l’intégralité de l’ancien « Wörterbuch » digitalisé, offrant la possibilité de consulter les références (« Belegstellen ») de nos archives, voire les fiches du « Wörterbuch », directement à partir de la page digitale actuelle du « Wörterbuch ».À présent, le TLA est entrepris en coopération entre les académies de Berlin-Brandebourg, de la Saxe à Leipzig, le projet du Livre des Morts à Bonn (Académie de Nordrhein-Westfalen) et le projet des textes démotiques de l’académie des langues et de la littérature de Mainz à Würzburg. La présentation du corpus en format internet et la coordination des matériaux se font à Berlin. Une coopération plus large, au niveau international, est également souhaitée et il y a déjà des contacts concrets. Ainsi, il existe, par exemple, une coopération actuelle avec M. René Preys de l’Université Catholique de Louvain qui va offrir au TLA des textes des temples ptolémaïques et romains traduits en français.

 

Jean-Luc FOURNET
Label sur le Nil: Le multilinguisme dans l'Égypte gréco-romaine.

 

L'Egypte, du fait des sources papyrologiques aussi abondantes que variées, est un observatoire unique du multilinguisme dans une société antique et de son impact sur la documentation écrite. On passera en revue les principales formes de multilinguisme (égyptien, grec, latin) qu'a connues ce pays pendant le millénaire ouvert par la conquête d'Alexandre (332 av. J.-C.) et clos par celle des Arabo-Musulmans (642 après J.-C.), en les illustrant par des documents qui montrent des situations linguistiques aussi complexes qu'étonnantes.

 

Luc GABOLDE
La Genèse de Karnak. Les origines d’Amon.

 

L’ancienneté des temples de Karnak et du culte d’Amon a longtemps constitué une énigme : Fallait-il faire remonter le temple à l’Ancien Empire, comme on l’a parfois supposé ou était-ce une création relativement récente des souverains de la XIe dynastie naissante ? Amon-Rê, était-il une ancienne divinité locale thébaine, ou résulte-t-il de l’adoption d’une divinité memphito-héliopolitaine, ou bien s’agit-il encore d’une importation étrangère ? Plusieurs suggestions avaient été par le passé proposées pour répondre à ces questions, parmi lesquelles aucune n’avait pu s’imposer de manière définitive et irrécusable.
Le réexamen des données archéologiques, anciennes ou récentes, des résultats des études géomorphologiques, conduit à supposer que l’emplacement de Karnak se trouvait primitivement rive ouest et que le Nil passait à l’est du site au moment où les premières implantations humaines y prirent place, aux alentours des périodes néolithiques, Nagada I à III. L’éminence aurait été abandonnée lorsque le fleuve l’aurait transformée en île, à la suite d’une défluviation. La situation insulaire aurait apparemment perduré pendant tout l’Ancien Empire et une bonne partie de la Première Période Intermédiaire. Ce n’est que vers la fin de la Première Période Intermédiaire et le début de la XIe dynastie que, l’île s’étant rattachée à la rive orientale, le site aurait été à nouveau occupé, au sud-est de l’actuel Lac Sacré. Un peu en contrebas de l’éminence, là où se dressera plus tard Ipet-sout proprement dit, une terre basse (mAwt) n’appartenant à aucune institution, à aucun dieu, était semble-til apparue, hors d’atteinte des crues.
Cette opportunité foncière fut saisie pour y implanter le culte d’une divinité nouvelle : Rê-Amon. Le dieu de Karnak s’avère, en effet, être un nouveau venu à Thèbes, manifestement une création théologique réalisée, à l’aube du Moyen Empire, par la lignée montante des dynastes thébains. Sa personnalité est constituée d’un subtil amalgame de plusieurs éléments théologiques préexistants : en premier lieu un concept divin très anciennement attesté (IIe dynastie), celui de Ỉmn, « caché, inconnaissable », diffusé dans les Textes des Pyramides, une notion sans doute élaborée à Héliopolis et qui constitue un des caractères fondamentaux de plusieurs divinités majeures (au premier rang desquelles on compte Atoum) ; en second lieu le dieu Rê, sous la forme Rê-Amon, puis Amon-Rê, mais aussi Atoum-Amon-(Rê), dans une solarisation que l’orientation héliotropique et solsticiale du temple dès ses premières architectures confirme. La solarisation confère à Amon une dimension universelle et constitue un emprunt majeur à Héliopolis ; enfin une iconographie et un certain nombre de liturgies qui sont empruntées au très ancien dieu voisin Min de Coptos. Karnak apparaît ainsi comme une création volontariste, à la fois théologique et architecturale, initiée par les nouveaux souverains de la XIe dynastie, et poursuivie avec une égale ténacité par les pharaons de la XIIe, et plus particulièrement Sésostris Ier. Garant de la légitimité dynastique, Amon-Rê est, en conséquence, un dieu particulièrement choyé et les agrandissements successifs de son grand temple, préservant respectueusement son noyau originel, feront de cet imposant édifice un véritable conservatoire de la royauté.

 

Luc GABOLDE
De Sa Majesté la reine Hatchepsout à sa majesté le roi Maâtkarâ.

 

Entre la mort de son frère et époux Thoutmosis II et sa propre accession à la dignité de pharaon au tournant de l’an VII de Thoutmosis III, la reine Hatchepsout a exercé une régence qu’on supposait volontiers active mais qui était demeurée jusqu’à présent très mal connue parce que fort peu documentée.
Avec l’étude, par l’auteur de la présente conférence, de quatre monuments en calcaire de Karnak qui remontent à cette époque charnière et dont les blocs avaient été remployés sous le règne de Thoutmosis III pour garnir le sous-sol de la « cour de la cachette », cette histoire sort en partie de l’ombre.
Le plus ancien de ces édifices, sans doute entrepris à l’extrême fin du règne de Thoutmosis II, est une chapelle (de barque ?) en calcaire de Toura où Hatchepsout accompagne partout son époux dans les scènes de culte, occupant d’ores et déjà une position exceptionnelle, quoique cantonnée au second rang.
Avec le Netery-menou, une étape nouvelle est franchie: la reine y apparaît la plupart du temps seule devant le dieu ou seulement accompagnée de Néférourê. Dans quelques cas on l’a figurée suivant Thoutmosis II, mais il s’avère que les représentations du roi sont posthumes, et qu’elles ont même, parfois, remplacé des images de Thoutmosis III. Ce dernier souverain n’est toutefois pas absent de l’édifice et son nom intact apparaît sur des jambages de porte ou a été volontairement épargné dans certains registres de scènes.
Un petit monument à niches, consacré au culte de plusieurs membres de la famille royale, associe ainsi Hatchepsout, Neferourê à Thoutmosis II. Le roi, assurément défunt (Neferourê est « sœur de roi ») est paradoxalement figuré comme s’il était vivant, confirmant qu’il a bénéficié d’une vénération posthume d’un genre très exceptionnel.
Enfin, un fragment d’une petite chapelle édifiée dans une "place sacro-sainte" de Karnak, peut-être identique à l’édifice dont d’autres blocs avaient été exhumés à Karnak-nord, montre que dans les textes la reine finit par adopter la totalité des épithètes dévolues au roi, puis en revêt la titulature, tandis que, dans les représentations, elle arbore encore des caractères féminins, lesquels seront seulement quelque temps plus tard masculinisés.
Pour Hatchepsout, le passage de l’état de veuve et régente du royaume à celui de pharaon fut en somme très progressif, mais il faut souligner que l’accaparement par la reine de certaines prérogatives royales intervient extrêmement tôt, peut-être dès les derniers mois du règne de Thoutmosis II, et ne cessera de se renforcer jusqu’à son accession au trône.
Dernière particularité remarquable des monuments de Karnak, et non des moindres: une série de martelages et de regravures dont certains sont exceptionnels et inédits: noms de Thoutmosis II inscrits sur ceux de Thoutmosis III effacés, Hatchepsout sur Thoutmosis III, Maât-ka-Rê sur Hatchepsout.
L’enquête fournit l’occasion d’examiner de près la période féconde allant de la fin du règne de Thoutmosis II (dont le règne est réévalué), à l’avènement de la corégence avec Thoumosis III entre l’an VII et l’an VIII, à travers les monuments de Karnak mais aussi du Sinaï, du reste de l’Égypte et de la Nubie et d’observer par quelles étapes les fonctions régaliennes seront peu à peu complètement dévolues à la reine-pharaon. 

 

José Manuel GALÁN
The tomb-chapel of Djehuty (TT 11), scribe and treasurer of Hatshepsut.

 

Djehuty, owner of the tomb-chapel TT 11, lived and died under the joint reign of Hatshepsut-Thutmose III. Coming from Hermopolis in Middle Egypt, he was entrusted in Thebes with the silver and gold houses, collecting taxes from local rulers and registering the exotic products brought from Punt in year 9. Acting as royal treasurer, he supplied metals, semi-precious stones and fine woods to lavishly decorate the temples that were then under construction, such as Karnak and Djeser-djeseru in Deir el-Bahari. His rock cut tomb-chapel, located at the northern end of the Theban necropolis, in Dra Abu el-Naga, is fully decorated with inscriptions and scenes in relief. The high point of his funerary monument is the burial chamber, having two of the walls and the ceiling written with a selection of chapters from the Book of the Dead, meant to wrap him during his journey to the hereafter and and grant him protection in his eternal existence in the afterlife. 

 

Philippe GERMOND
La protection magique individuelle dans l'Égypte ancienne: le monde symbolique des amulettes.

 

La création mise en place la "Première Fois" par le démiurge évoque une situation idéale de parfait équilibre. Toutefois, cet équilibre reste fragile. Sans cesse menacé par l'action dévastatrice de dangereuses puissances qui peuvent se déchaîner à tout moment, il est particulièrement vulnérable dans les délicates situations de "passage": alternance du jour et de la nuit, changement de règne ou de saison, passage du monde terrestre à celui de l'au-delà...
Religion "officielle" et pratiques magiques se complètent et attestent d'une finalité commune: maintenir à distance les forces destructrices qui menacent le monde organisé et pourraient le renvoyer en un état latent et désorganisé, antérieur à celui de la "Première Fois".
Si, à l'intérieur des temples, la pratique du culte quotidien, la célébration de fêtes importantes ou la mise en oeuvre de rituels de protection permettent la sauvegarde collective du pays entier, l'Égyptien, en tant qu'individu, fait plus volontiers appel à des formes de protection magiques, qui lui sont directement accessibles.
C'est dans ce contexte précisément que les amulettes déploient toute leur efficacité. La collection Jacques-Édouard Berger au MUDAC (Musée de Design et d'Art Appliqués Contemporains) de Lausanne en fournit une excellente illustration.

 

Yannis GOURDON
Les nouvelles inscriptions rupestres de Hatnoub 

 

Découvertes en 1891, les carrières d’albâtre égyptien de Hatnoub ont rapidement attiré l’attention des égyptologues en raison de la présence d’une cinquantaine d’inscriptions rupestres royales et privées datant de l’Ancien Empire au Moyen Empire.
Du fait de la reprise récente de l’exploitation des carrières de la région, il devient urgent de documenter et de sauvegarder ce qui peut l’être. Tel fut l’un des objectifs de la mission épigraphique et topographique (IFAO et University of Liverpool) qui a eu lieu en décembre 2012. Les premiers résultats de cette mission ont d’ores et déjà permis de découvrir un nombre significatif de nouvelles inscriptions qui vont permettre de renouveler notre connaissance du site. 

 

Jean-Claude GOYON
Du Noun au Nil.  Le miracle de l’eau

 

Seul fleuve d’Afrique de l’Est à couler du sud au nord, pour les vieux Égyptiens, le Nil et sa crue annuelle étaient l’émanation miraculeuse du Noun, flot originel contenant tous les germes de l’existence, hors duquel le verbe de l’Esprit créateur avait fait surgir les éléments et l’universalité des êtres vivants se révélant lui-même en lumière sur le lotus primordial. Dès lors, le liquide vital tenu pour chargé d’énergie divine joua un rôle sacral autant que guérisseur tout au long de l’histoire de la Vallée.

 

Jean-Claude GOYON
La fête de Thot du 19 du premier mois de l’année  et les rites de confirmation du pouvoir royal à Karnak, Edfou et Philæ

 

À deux scènes inédites de Philæ décrivant la remise à Thoth d’une couronne de justification, non à titre funéraire mais en tant qu’héritier de Rê, se rattache un ensemble documentaire textuel et iconographique, en partie également inédit, conservé dans les trois sanctuaires. Le dossier permet d’établir le déroulement liturgique de la « grande fête du pays tout entier » célébrée au moins depuis la IIIe P.I à la date du 19 du mois éponyme du nom divin. 

 

Amandine GRASSART-BLESES

La déesse Amonet dans le temple de Louqsor

Amonet, plus ancienne parèdre d'Amon de Karnak, joue également un rôle auprès d'Amon de Louqsor notamment lors de la fête d'Opet au cours de laquelle a lieu la régénération divine et royale. L'étude des représentations de la déesse permet de mieux comprendre sa place dans ce temple mais aussi de donner un nouvel éclairage sur le temple de Louqsor.

Ivan GUERMEUR
Le papyrus médico-magique de Brooklyn 47.218.2 : un traité inédit de protection de la parturiente et de son enfant 

 

Le papyrus iatromagique du Brooklyn Museum 47.218.2 dont il sera question au cours ce cette conférence est un document inédit qui traite de la protection pré et post-natale de la mère et de son enfant ; il est datable, d’après la paléographie, des ve-iiie siècles av. È.c. Ce document fait partie d’un important lot de papyri (essentiellement hiératiques et araméens) légués au musée new-yorkais en 1947 par Mme Theodora Wilbour, en souvenir de son père l’égyptologue et collectionneur Charles Edwin Wilbour (1833-1896). Ce papyrus qui mesure dans son état actuel, en dehors d’une cinquantaine de fragments appartenant aux trois ou quatre premières pages, 2,43 mètres de longueur et contient la partie supérieure (20 à 23 lignes) de huit pages est écrit dans un beau hiératique, caractéristique de l’époque tardive. 

 

 

Océane HENRI
Bien nommer son dieu. Transcription ou traduction des théonymes dans les textes grecs d’Égypte.

 

Lorsque les habitants de l’Égypte ptolémaïque et romaine devaient nommer les dieux égyptiens dans des documents rédigés en grec, plusieurs méthodes pouvaient être employées. La plus fréquente consistait à utiliser des théonymes hellènes pour désigner des divinités locales. Dans certains cas toutefois, les noms égyptiens étaient transcrits en grec. Le choix de la traduction ou de la transcription des théonymes dépendait bien souvent du contexte de rédaction des documents. Nous nous proposons d’en présenter quelques exemples.

 

Matthieu HONEGGER
Les origines de Kerma: des dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs à l'avènement du premier royaume de Nubie.

 

Depuis plus de 30 ans, la mission archéologique de l’Université de Genève entreprend des recherches à Kerma, dans le nord du Soudan. Cet endroit privilégié a vu la naissance du premier royaume d’Afrique noire, véritable rival de l’Empire égyptien.
Les résultats des fouilles menées sur plusieurs chantiers permettent de retracer les grandes étapes du développement de la société nubienne, depuis les premières populations sédentaires, il y a 10'000 ans, jusqu’à l’apogée du royaume de Kerma, il y a 3’500 ans. Ce parcours à travers le temps conduira à analyser l’organisation de nécropoles et d’habitat, en tentant de mettre en évidence les processus de hiérarchisation sociale et d’urbanisation, qui participent à la formation de la civilisation de Kerma.

 

Dimitri LABOURY
Le portrait de Pharaon à l'époque post-amarnienne et l'iconographie de l'enfant-roi Toutankhamon.

 

L’exposé présentera une analyse du portrait de Toutankhamon, en tentant de mettre en évidence sa signification historique, tant vis-à-vis des prédécesseurs que des successeurs de l’enfant-roi. Dans ce contexte, une attention particulière sera apportée aux nombreux objets que le pharaon a usurpés dans le mobilier funéraire de ses prédécesseurs directs, ainsi qu’à la récupération du modèle de Toutankhamon, le dernier véritable descendant de la XVIIIe dynastie, dans l’iconographie de ses successeurs.

 

Dimitri LABOURY
Comment et pourquoi Hatshepsout inventa l'image de son pouvoir royal ? 


Hatshepsout est sans conteste l'une des figures les plus débattues de l'Histoire pharaonique. La nature de son pouvoir royal et la signification de sa montée sur le trône d'Égypte semblent être devenues de nos jours un sujet de discussions et de controverses sans fin, très souvent polluées par la réception moderne de son règne et les idées reçues ou les orientations idéologiques de ses commentateurs - admirateurs ou détracteurs - modernes. Dans ce contexte, deux questions apparaissent véritablement essentielles: d'une part, l'iconographie masculine de ce pharaon féminin pendant la majeure partie de son règne; et, d'autre part, sa relation, sur un plan politique, avec Thoutmosis III, son royal neveu et corégent. Chacun de ces deux sujets peut être abordé par l'étude de l'iconographie de la souveraine, par l'analyse de son discours iconographique et - en fait - officiel concernant son pouvoir royal, un discours qui peut être suivi dans son développement chronologique, étape par étape. Il est ainsi possible d'examiner comment Hatshepsout construisit graduellement l'image de son autorité royale, où elle puisa son inspiration, quand et comment les changements survirent, … Et, comme souvent, poser la question du comment conduit à celle du pourquoi.

 

Dimitri LABOURY
À la recherche des artistes pharaoniques. La cas des peintres des tombes privées de la Nécropole Thébaine sous la 18e dynastie.

 

L'Égyptologie s'est souvent contentée d'admettre que l'artiste pharaonique demeure aujourd'hui un personnage particulièrement évanescent et insaisissable - voire, aux yeux de certains, inexistant - au sein du paysage que cette discipline s'efforce de reconstituer. En envisageant le cas des peintres responsables de la décoration des chapelles funéraires privées de la Nécropole Thébaine sous la 18e dynastie, l'exposé ambitionne de démontrer qu'avec une méthodologie adaptée et résolument interdisciplinaire, faisant usage de toutes les sources d'information disponibles sur le sujet, il est en réalité possible d'aborder la question de l'identité sociétale de ces peintres, ainsi que les modalités d'organisation concrète de leur travail, et même de suivre certains artistes individuels.

 

Françoise LABRIQUE
La tunique historiée de Saqqara 

 

La tunique historiée de Saqqara, datée probablement du IIe s. de notre ère, a été publiée en 1934 par Paul Perdrizet et a ensuite suscité plusieurs commentaires partiels. Elle est décorée de quatre scènes de facture égyptienne, intégrant des éléments d’origine grecque. L’ampleur de la documentation découverte depuis cette première publication permet de revoir l’interprétation de l’ensemble. 

 

Christian LEBLANC
Les temples de millions d’années dans le contexte thébain. État des recherches sur leurs fonctions liturgique, économico-administrative et socio-culturelle.

 

Au sein de la communauté égyptologique, on a longtemps considéré que les temples construits à l’ouest de Thèbes durant le Nouvel Empire, étaient des monuments à vocation exclusivement funéraire, réservés au culte des pharaons défunts. Leur emplacement, sur la rive ouest du Nil, traditionnellement associée à la "rive des morts", a largement conforté cette idée. Pourtant, les recherches et les découvertes récentes semblent confirmer que la fonction de ces temples — dont il existait des exemples jusque dans le Delta — était bien plus étendue. À la fois centres religieux et conservatoires de la mémoire, les « châteaux de millions d’années » — ainsi que les appelaient les anciens Égyptiens — étaient sans doute bien plus encore des délégations administratives, économiques et socio-culturelles de l’institution monarchique en milieu régional. Liés à la fonction royale et au concept du roi-prêtre, ces monuments apparaissent comme des œuvres personnelles, où sont glorifiées les actions d’un règne. Administrés par de hauts fonctionnaires de l’État, leur rôle était aussi de participer à la redistribution des richesses de la Couronne: à ce titre, il s’agissait de structures intermédiaires entre le pouvoir central et la population mise au service du pharaon. Dès lors, on comprend mieux pourquoi certains événements se déroulèrent à leurs portes, notamment lors des grèves et des manifestations qui vinrent ternir, à Thèbes, la fin du règne de Ramsès III. L’intronisation du prêtre-roi, au début de la Troisième Période Intermédiaire, va modifier profondément la nature de la royauté pharaonique: c’est aussi à cette époque, vers l’an 1000 avant notre ère, que disparaissent définitivement les « châteaux de millions d’années ».

 

François LECLÈRE
Tanis, nouvelles orientations de la recherche.

 

Depuis fin 2013, la Mission française des fouilles de Tanis développe un nouveau programme de recherche portant principalement sur l’étude de la structure du tissu urbain de la cité antique dans sa globalité et son évolution diachronique d’une part, et sur son contexte paléo-environmental d’autre part, la fonction portuaire fluvio-maritime de la localité étant très vraisemblablement à l’origine même de son existence. Ce programme implique la mise en œuvre de différents types de prospections à grande échelle, sur le site et à ses abords (géophysique, carottages archéologiques et géomorphologiques, prospection céramique, etc). La MFFT s'engage parallèlement sur une large reprise des études égyptologiques, portant essentiellement sur le matériel épigraphique royal et privé de la Troisième Période intermédiaire à Tanis. Les premiers résultats prometteurs obtenus durant les campagnes de printemps 2014 et 2015 seront présentés.

 

Dominique LEFÈVRE
Vie et mort du chef d’équipe Neferhotep. Nouvelle enquête sur la tombe thébaine n° 216 à Deir el-Medineh.


Devenu responsable de la communauté des artisans vers l’an 40 de Ramsès II, Neferhotep a exercé cette fonction jusqu’à son assassinat, avant l’an 5 de Séthi II, dans des conditions non encore élucidées. La reprise de l’étude de sa  tombe (TT 216), la plus vaste de Deir el-Medineh, est l’occasion de revenir sur le destin hors-norme de ce personnage.

Giuseppina LENZO (Université de Lausanne)

Les liens entre le papyrus Greenfield de la Cachette royale de Deir el-Bahari et les tombes d’Osorkon II (Tanis) et de Chéchonq, Grand Prêtre de Ptah (Memphis)

Le papyrus Greenfield (P. BM EA 10554) fait partie d’un ensemble d’objets provenant de la Cachette royale de Deir el-Bahari découverte officiellement en 1881. Ce papyrus, dont la propriétaire était prêtresse dans le temple d’Amon à Thèbes vers 950 av. n. è., est exceptionnel pour deux raisons principales : d’une part, sa longueur (37 m) qui en fait le plus long papyrus funéraire retrouvé, et, d’autre part, son contenu original mélangeant chapitres du Livre des Morts, textes dits « mythologiques », hymnes et textes nouveaux. Certains textes et vignettes contenus dans ce papyrus ont par ailleurs été gravés sur les parois de la tombe du Pharaon Osorkon II à Tanis et celle de son fils, le Grand Prêtre de Ptah Chéchonq, à Memphis (tombe aujourd’hui au Musée égyptien du Caire). L’étude de cet ensemble de documents permet de mieux comprendre la place des textes funéraires et des conceptions de l’au-delà au début du Ier millénaire av. n. è. Ils fournissent également des éléments de réflexion sur la transmission des textes en Égypte ancienne sur divers supports (papyrus, pierre) et en différentes écritures (hiératique, hiéroglyphes).

Christian LOEBEN
La collection égyptienne du Museum August Kestner à Hanovre (Allemagne): histoire - présent - futur et récentes recherches égyptologiques.

 

Georg Christian August Kestner (1777-1853), fils de Charlotte Buff et véritable modèle de la « Lotte » dans le « Werther » de Goethe, a vécu comme ambassadeur du royaume de Hanovre auprès du Saint Siège et de Naples durant une grande partie de la première moitié du 19e siècle. Pendant son séjour romain, il a acheté œuvres d’art et antiquités qu’il légua après sa mort à sa ville natale demandant à Hanovre la construction d'un « Museum Kestnerianum » afin de les héberger. Cet ensemble était entre autres formé de près de cinq cents œuvres égyptiennes, ce qui constituait à l'époque la plus grande collection égyptienne détenue par un particulier. En 1935, la ville de Hanovre acheta mille cinq cents objets égyptiens, provenant en grande partie de la collection privée de Friedrich Wilhelm Baron von Bissing. Alors qu’il réunit aujourd’hui environ quatre mille objets égyptiens, le « Museum August Kestner » figure parmi les plus importantes collections de son genre en Allemagne, ainsi que parmi les collections égyptologiques mondiales les plus complètes. Malheureusement, bien que splendide, celle-ci n'a jamais été étudiée avec soin et reste pratiquement inédite. Depuis cinq ans, l'auteur de cette conférence entreprend une recherche profonde de l’ensemble de cette collection égyptienne avec des résultats tout à fait étonnants, voire inattendus ... pour les photos : (c) Museum August 

 

Florence MARUÉJOL
L'œuvre architecturale de Thoutmosis III à Thèbes

 

Lorsque l’on évoque Thoutmosis III, on pense aussitôt au conquérant et au fondateur d’empire qui a déployé pendant les vingt premières années de son règne autonome une activité militaire incessante en Syrie-Palestine. Le souverain s’est pourtant illustré dans d’autres domaines au premier rang desquels figure l’architecture. Thoutmosis III qui a laissé sa marque dans de nombreux villes et sites d’Égypte et de Nubie s’affirme, en effet, comme l’un des plus grands bâtisseurs que l’Égypte ait connu. Les destructions subies par nombre de ses monuments ne permettent plus aujourd’hui de voir son œuvre dans toute son ampleur. C’est encore Thèbes, berceau du dieu Amon, particulièrement favorisée par le roi, qui rend le mieux justice à ses constructions tout en mettant en évidence leurs liens avec les édifices et les idées religieuses d’Hatchepsout, sa corégente. À Thèbes-est comme à Thèbes-ouest, les fouilles et les travaux récents complètent et renouvellent même parfois complètement la connaissance que l’on avait jusque-là des réalisations de Thoutmosis III dans la capitale religieuse de l’Égypte.

 

Laetitia MARTZOLFF
Les mâts à oriflammes des pylônes égyptiens : entre réalité et idéal.

 

Le Nouvel Empire offre un nombre important de représentations de pylônes dont les tours ou môles sont précédées de grands mâts de bois. Ces représentations viennent s’ajouter aux innombrables textes décrivant les pylônes et aux découvertes archéologiques pour confirmer l’existence de ces mâts d’ornements. Aux périodes ptolémaïque et romaine, le pylône est une forme architecturale très prisée. Mais si les architectes s’inspirent des pylônes du Nouvel Empire pour habiller l’entrée de certains temples, ils introduisent également une nouveauté. Les tours se creusent, libérant des espaces internes employés pour le stockage. Quant aux mâts, à en juger par l’absence de traces archéologiques, ils ne sont plus érigés. Mais alors, pourquoi continuer d’aménager les façades des pylônes pour les accueillir et comment justifier leur mention dans les textes du temple ?

 

Bernard MATHIEU
Trésors littéraires de l’Égypte ancienne : aspects de la littérature sous les Ramsès

 

Si le Moyen Empire constitue pour la civilisation pharaonique une période cruciale dans l’émergence « des belles-lettres » et le développement de la création littéraire, le Nouvel Empire n’est pas en reste. Tout en prenant soin de veiller à la transmission des œuvres « classiques », les intellectuels du Nouvel Empire, et notamment ceux qui font partie de la communauté du village des artisans de Deir al-Médîna, sous les dynasties ramessides (1292-1070 av. J.-C.), font preuve d’invention, de talent, et même, parfois, d’esprit critique et d’ironie. De nouveaux genres littéraires apparaissent, dont les « Chants d’amour », l’« Éloge de la cité » ou les « Caractères », qui permettent aux écrivains de ce temps, à travers une recherche esthétique, de transmettre aux générations suivantes à la fois œuvre poétique, expérience technique et idéologie de classe.

 

Bernard MATHIEU
Les Textes des Pyramides. Où ? Quand ? Comment ?

 

Dans leur diversité et leur ampleur, les Textes des Pyramides, qu’on présente, à juste titre, comme le plus ancien corpus religieux de l’humanité — encore que le qualificatif de « religieux » puisse être discuté — peuvent être abordés sous trois angles différents.
1) Les TP en situation, ou la problématique de la « spatialisation » : plusieurs études récentes, en effet, ont été consacrées à la relation qui existe entre le contenu des textes et leur situation sur les parois des appartements funéraires. 
2) Les TP dans l’histoire : une analyse attentive permet de mettre en évidence différentes strates de conception et de rédaction des textes, depuis l’époque thinite ou « archaïque » jusqu’à la Ve dynastie ; la question se pose, de fait, de savoir si les TP reflètent véritablement l’Égypte de l’Ancien Empire.
3) TP et littérature, un atelier d’écriture : parmi les nombreuses formules connues, plusieurs révèlent une élaboration formelle remarquable, qui témoigne d’un travail de composition incontestable et d’une pensée que l’on n’hésitera pas à qualifier de rationnelle.

 

Philippe MATTHEY
Le père caché d'Alexandre le Grand. Le pharaon Nectanébo II et la construction d'une légende

 

Nectanébo II, dernier pharaon indigène à avoir régné sur l'Égypte, est entré dans la légende en tant que père d'Alexandre le Grand grâce au Roman d'Alexandre, un récit de fiction grec dont certains épisodes semblent remonter à des modèles littéraires égyptiens. S'agit-il d'une oeuvre de propagande composée à la demande du pouvoir ptolémaïque pour faciliter leur prise du pouvoir en Égypte? Pourquoi et comment la tradition liant le dernier souverain égyptien au jeune conquérant macédonien s'est-elle développée? Cette conférence propose quelques éléments de réponse à ces questions, basées sur les conclusions de ma thèse de doctorat.

 

Dimitri MEEKS
Des signes et des objets

 

Les étudiants, les amoureux de la langue égyptienne, apprennent à connaître les signes de l’écriture hiéroglyphique dans différents manuels tels que la Sign list de la grammaire de Gardiner. Cette dernière, outre les valeurs classiques d’emploi, identifie ce que chaque signe représente, être ou objet. Peu nombreux, toutefois, sont ceux qui, au-delà de cette dernière information, cherchent à découvrir ce qu’un geste, un objet représenté, peuvent révéler des habitudes pratiques ou culturelles de l’antique Égypte. À l’aide de quelques exemples, c’est cet aspect moins connu des hiéroglyphes que l’on tentera de mettre en lumière. 

 

Dimitri MEEKS
Prolégomènes à une égypto-grammatologie 

 

Nous lisons habituellement un texte hiéroglyphique un peu comme nous lirions un texte dans une langue contemporaine : en parcourant la ligne ou la colonne d’écriture. Nos yeux s’attardent parfois sur un signe rare ou curieux, mais uniquement pour mieux appréhender l’ensemble du texte, ne rien négliger pour en comprendre le détail. L’idée qu’un signe puisse avoir un sens en soi, indépendamment de son implication syntactique, lexicale, phonétique, etc., peut ne pas apparaître comme très évidente. Chaque hiéroglyphe a pourtant une histoire, une sorte de biographie, une genèse, un apparentement, une profondeur culturelle et cultuelle, que nous sommes très loin d’avoir découverts. Pour parvenir à une telle analyse, il faut mettre en œuvre une discipline, la grammatologie, déjà pratiquée par les Chinois pour analyser chaque sinogramme pris isolément, mais qu’il conviendrait de faire naître au sein de l’égyptologie. Quelles seraient les bases de cette discipline, les méthodes, les résultats que l’on peut en attendre ? C’est ce que ce séminaire espère faire entrevoir


Pierre MEYRAT
«Aujourd’hui, ce dieu s’en est allé au ciel»
Le début du rituel d’embaumement d’Apis (pZagreb 597-2)


Présentation d’un papyrus tardif du Musée archéologique de Zagreb correspondant à la première colonne, que l’on croyait perdue, du rituel d’embaumement d’Apis conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne (pVindob. 3873). En plus des premières procédures à suivre et opérations à effectuer sur la dépouille du taureau sacré de Memphis, le début de ce texte livre quelques éléments nouveaux concernant la fin de la XXXe dynastie. 


Marguerite MORFIN
Les fouilles de Permedjed, la future Oxyrhynchos.

 

Depuis 1992, par le biais de relations internationales, je suis associée aux fouilles du site d’Oxyrhynchos, menées par l’université du Caire et de Barcelone sous la direction des Professeurs J. Padró et Hassan Amer. La ville d’Oxyrhynchos, est le nom grec d’un site égyptien plus ancien, « Celui des Medjaiou » (P(3)-n-Mḏ3yw) de la période ramesside, qui a évolué au moins sous Piânkhy en Pr-Mḏd. Avec Psammétique Ier, elle apparaît comme capitale du XIXe nome de Haute Égypte.
La ville actuelle de Bahnasa, également connue dans les textes coptes sous le nom de Pemdjé, est située à 200 km au sud du Caire, dans la province de Minieh. Les ruines de la ville gréco-romaine sont encore visibles dans le territoire occidental de Bahnasa, à l’ouest du Bahr Youssef : porte monumentale, carrefour marqué par une colonne, nilomètre, théâtre. Les parties fouillées sont précisément localisées sur la rive ouest du Bahr Youssef, dans le désert occidental, non loin de ces ruines. 
La ville grecque a pris le nom du poisson au nez pointu, l’oxyrhynque – également connu sous le nom de mormyre –, qui était vénéré dans le XIXe nome de Haute Égypte. De ce culte, des ex-voto de bronze représentant des mormyres ont été retrouvés dans une « favissa » des environs de Bahnasa. Certains de ces poissons portent le nom de Touèris, dans une formule du type : « Touèris donne la vie à Onnophris, fils de Sisobek ». Leur tête est surmontée d’une couronne d’Hathor-Isis. Leur corps est parfois placé sur un traîneau à la manière d’une statue votive. Ce poisson incarne la déesse Touèris, annonciatrice de la crue du Nil et de la renaissance végétale. Le dévot déposait ce poisson dans la cour du temple pour un sien décédé. D’après les nombreux papyrus grecs, coptes, ramassés sur le site par Bernard Grenfell, Arthur Hunt et Evaristo Breccia, les Grecs ont rendu un culte à Athéna qu’ils ont identifiée à Neith et Touèris. Neith est la divinité protectrice de la ville de Saïs et des pharaons de la XXIVe et XXVIe dynastie. Cette déesse guerrière est vénérée dans tout le désert occidental et plus particulièrement au Fayoum. Comme Touèris, elle protège Osiris. Touèris aurait eu plusieurs sanctuaires dans la ville d’Oxyrhynchos. Parmi les nombreux documents, le papyrus copte qui relate le martyre d’Apa Epima mérite d’être signalé. Il mentionne un temple pour cette divinité, non loin du tétrastyle et du forum, à proximité du chantier de fouilles. 
L’origine d’Oxyrhynchos semble avoir été une forteresse dès Ramsès II, vite devenue une ville importante. Son rayonnement est dû en partie, à sa situation géographique : un carrefour de voies caravanières et fluviale. Très tôt, l’oasis de Bahria va lui être associée et désignée dans les textes grecs comme « petite oasis » d’Oxyrhynchos.

 

Claude OBSOMER
Le roman de Sinouhé: traduction et interprétation.

 

Le récit des aventures de Sinouhé est souvent présenté comme l’une des œuvres les plus célèbres et les mieux achevées de la littérature égyptienne d’époque pharaonique. Rédigé au Moyen Empire sous le règne de Sésostris Ier (XIIe dynastie, vers 1958-1913 avant J.-C.), ce récit était devenu, à l’époque ramesside, l’un des textes «classiques» étudiés et copiés dans les écoles de scribes. 
Depuis la publication, il y a un siècle et demi, du pBerlin 3022 conservant la copie à la fois la plus complète et la plus ancienne de l’œuvre, l’intérêt des égyptologues n’a pour ainsi dire jamais décru. L’œuvre toutefois est loin d’avoir livré tous ses secrets. Cela tient pour une bonne part à l’atmosphère de mystère qui entoure, à dessein, le moment crucial de l’intrigue, lorsque, peu après le décès du roi Amenemhat Ier, Sinouhé surprend de nuit les propos échangés entre un fils royal et, semble-t-il, un messager, propos dont la teneur ne nous est pas livrée, mais qui provoquent chez le héros un trouble profond qui l’entraînera finalement sur le chemin de l’exil. 
Qui était Sinouhé, qu’a-t-il pu entendre et pourquoi a-t-il fui ? Une réponse à ces questions pourra être proposée grâce à l’éclairage offert par d’autres textes et documents du règne de Sésostris Ier, notamment l’Enseignement d’Amenemhat.

 

Julien OLIVIER

Archè et Chrèmata. L'histoire des Ptolémées au IIe siècle a.C. (c. 204-80 a.C.) vue à travers les monnaies

Le IIe siècle a.C. est pour les rois lagides d’Égypte une période particulièrement troublée. Elle est notamment marquée par la perte de la plupart des territoires extérieurs, par de puissants mouvements de révoltes internes ainsi que par de nombreux conflits dynastiques. Ces événements ont longtemps conduit les historiens à opposer cette époque, caractérisée par la récurrence des crises, à l’apogée qu’aurait été le IIIe siècle a.C. Cette dichotomie a également profondément marqué les études numismatiques, notamment avec l’idée d’une dégradation et d’une raréfaction des numéraires d’or et d’argent. Toutefois, plusieurs travaux historiques récents réévaluent largement la vision d’une déliquescence du pouvoir royal au IIe siècle a.C. pour mettre en avant les capacités de réaction et d’adaptation de la monarchie ptolémaïque. Dans ce contexte de renouvellement bibliographique, nous proposons de confronter la documentation numismatique à l’idée d’un pouvoir aux prises avec les difficultés de son temps : les numéraires d’or et d’argent émis par les Ptolémées sont ici perçus comme un outil au service de l’affirmation du pouvoir royal. Pour cela, nous solliciterons tous les champs d’investigations offerts par l’étude numismatique pour évoquer tant l’organisation des frappes que l’évaluation des masses monnayées ou l’usage de ces numéraires au fil de la période considérée.

Frédéric PAYRAUDEAU

Les princes libyens en Égypte. Histoire et anthropologie au Premier millénaire av. J.-C.

 

À partir de la fin du Nouvel Empire, la présence libyenne devient un phénomène important de l'histoire politique et sociale de l’Égypte ancienne. Certains de ces Libyens devinrent pharaons, durant la XXIIe dynastie notamment. D'autres constituèrent une caste militaire dont l'influence politique se fait sentir jusque sous les derniers pharaons indigènes. Au-delà des questions d'histoire politique, cette présence libyenne ouvre la voie à diverses interprétations d'anthropologie historique quant aux problèmes de contacts et d'acculturations respectives.

Bérangère REDON​

Forts, routes et mines d'or du désert Oriental d’Égypte : découvertes récentes dans le district de Samut.

 

Créée en 1994, la mission française du désert Oriental (Égypte) a, pendant une vingtaine d’années, exploré les fortins d’époque romaine qui gardaient les routes reliant le Nil à la mer Rouge. En 2013, la mission a débuté une nouvelle étape dans ses recherches en s’intéressant désormais à l’occupation ptolémaïque (331-30 av. J.-C.) de la région, dont l’histoire est alors intimement liée à l’exploitation du minerai d’or par les Lagides. Les trois premières campagnes de la mission ont eu lieu dans le district de Samut et sont concentrées sur deux sites principaux : Samut nord, qui abrite une mine exploitée sous Ptolémée Ier, et Bir Samut, où est localisé un vaste fortin construit sous Ptolémée II.

Isabelle RÉGEN
Ombres. Une représentation singulière du mort sur des linceuls égyptiens d'époque romaine.

 

De curieuses et minuscules figures noires, filiformes et nues, apparaissent sur plusieurs toiles dites « de type psychopompe », datées de l’époque romaine et provenant de la nécropole de Saqqâra. Apparaissant en divers endroits du tissu, elles interagissent avec le mort ou les divinités qui l’accompagnent sans que l’on comprenne toujours très bien quel but elles poursuivent, un texte explicatif faisant en effet défaut. Qui sont ces créatures ? Quel est leur rôle ? Sont-elles connues ailleurs ? Autant de questions auxquelles une analyse iconographique tentera de répondre. 

 

Vincent RONDOT
Derniers visages des dieux d’Égypte: quand les panthéons pharaoniques millénaires rencontrent l’hellénisme.

 

C'est avant tout dans le Fayoum qu'ont été retrouvés, plus souvent dans des fouilles clandestines qu'officielles, des tableaux de bois pris dans un cadre et peints de divinités. Nous connaissons aujourd’hui un corpus très provisoire d’une cinquantaine de ces tableaux, qu’ils soient complets ou fragmentaires. Ils sont contemporains des portraits de momies dits « portraits du Fayoum », et sont datables du IIe siècle après J.-C. Ces tableaux constituent un chapitre de l’histoire de l’art puisqu’ils sont les seuls témoignages conservés de cette peinture de chevalet hellénistique que nous ne connaissons plus que par les sources littéraires. À travers ces tableaux nous nous emploierons surtout à montrer comment une religion aussi ancienne que la religion égyptienne et aux codes de représentation aussi contraignants que le canon pharaonique, a finalement pu accepter que l’hellénisme vienne changer radicalement l’iconographie trois fois millénaire de ses dieux, transformant Sobek de profil et à tête de saurien en un personnage barbu tenant son crocodile sur les genoux tel Zeus son foudre. 

 

Philippe RUFFIEUX
La céramique égyptienne de Doukki Gel (Kerma).

 

La ville fondée par les souverains égyptiens de la XVIIIe dynastie, sur le site actuel de Doukki Gel, à environ un kilomètre au nord de la cité nubienne de Kerma, fait l’objet depuis plus d’une dizaine d’années de fouilles archéologiques, sous l’égide de l’Université de Neuchâtel. La richesse architecturale et matérielle de ce site n’est plus à démontrer : ainsi les travaux menés par Charles Bonnet et ses collaborateurs offrent, après chaque campagne de fouilles, de nouveaux éléments dans la compréhension de cette agglomération et de l’occupation égyptienne au cœur de l’ancien royaume nubien de Kerma.
Loin des découvertes spectaculaires, la céramique – présente en grande quantité sur le site de Doukki Gel – est sujette, depuis plusieurs années, à une étude approfondie. Élément essentiel de la démarche archéologique, elle fournit au fouilleur un précieux outil de datation, mais offre également des renseignements sur la culture matérielle ou sur le mode d’occupation d’un site. La présence égyptienne, dès le règne de Thoutmosis Ier, est ainsi illustrée par le biais des activités quotidiennes, profanes ou religieuses et des rapports à la population nubienne. 

 

François SCHULER

Quelques figures de l’égyptologie sous l’œil (et la plume) d’écrivains français jusqu’en 1950

Lorsqu’en janvier 1982 Marguerite Yourcenar voyage en Égypte, elle est alors accompagnée par Jean-Pierre Corteggiani qui lui sert de guide. Cependant, d’autres écrivains français – et non des moindres – l’ont précédée. Jusque dans les années 1950, en effet, ce sont Maurice Barrès, André Gide, Jean Cocteau, Francis Carco, Paul Morand et bien d’autres écrivains qui ont visité l’Égypte, découvert ses trésors. Certains nous en ont laissé des récits dans lesquels ils « croquent » à l’occasion l’égyptologue qui les accompagnait. Ces portraits – ou plutôt ces bribes de portraits – parfois amusants, jettent une lumière inhabituelle, à tout le moins peu scientifique, sur ces personnalités que nous ne connaissons aujourd’hui qu’à travers leurs publications.

Julie STAUDER

La naissance de l’autobiographie égyptienne à l’Ancien Empire

 

L’Ancien Empire, et plus particulièrement la Vème dynastie, voit apparaître un nouveau type de textes inscrits sur pierre dans les tombes privées, les « autobiographies ». Constituant des sources importantes pour l’étude de l’histoire et de la culture de l’Ancien Empire, ces textes ont d’abord été lus pour l’information qu’on cherchait à en extraire. Plus récemment, la perspective de recherche s’est déplacée sur le genre de l’« autobiographie » en tant que tel, ses fonctions en relation à l’autoprésentation du dignitaire, et son développement historique. Contrairement à ce qui a souvent été dit, l’« autobiographie » n’a pas de précurseurs avant la Vème dynastie. Elle trouve son origine dans des textes royaux et des textes funéraires privés, dans un contexte également marqué par des mutations dans l’architecture de la chapelle funéraire privée. Les éléments essentiels du genre se mettent en place à la fin de la Vème dynastie (Izézi - Ounas). Le genre connaît un développement considérable à la VIème dynastie, se diffusant alors également dans les provinces. L’autobiographie de l’Ancien Empire au sens propre disparaît à la fin de celui-ci, avec l’effacement du personnage qui en articulait les significations, le roi, mais le genre survivra en se transformant, continûment jusqu’à l’époque romaine.

Gaëlle TALLET
Biographie d’une oasis antique. Le site archéologique d’El-Deir (oasis de Kharga) de la préhistoire à la fin de l’Antiquité.

 

Le site archéologique d’El-Deir, aux confins du désert libyque, impressionne par les vestiges d’une imposante forteresse romaine construite à la fin du IIIe siècle de notre ère. Ceux-ci pourraient toutefois n’être qu’un leurre: les recherches archéologiques et géoarchéologiques menées sur le terrain par notre équipe ont démontré qu’elle avait été implantée sur un périmètre agricole moribond, au terme d’une longue histoire faite de crises et de soubresauts, d’abandons et d’adaptations. Cette histoire est celle d’une communauté humaine aux prises avec un environnement hostile, en négociation permanente avec le désert environnant pour faire naître, renaître et perdurer un objet fragile et un cadre de vie qui n’a rien d’acquis ni de naturel : l’oasis.

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Pierre TALLET
La mer Rouge à l’époque pharaonique – bilan et perspectives. 

 

La découverte récente de plusieurs sites archéologiques sur différents points du littoral de la mer Rouge permet maintenant d’entrevoir le rôle important joué par cette côte à l’époque pharaonique. Pour se procurer les matières premières dont il avait besoin, l’État égyptien envoyait en effet à intervalles réguliers des expéditions vers des régions éloignées de la vallée du Nil. Deux de ces destinations pouvaient être atteintes par voie maritime : le sud de la péninsule du Sinaï, où des mines de cuivre et de turquoise étaient exploitées, et l’énigmatique pays de Pount, traditionnel pourvoyeur de l’Égypte en myrrhe et en produits exotiques. Ce dernier objectif, que certaines études identifient maintenant au Bab el-Mandab, aux confins méridionaux de la mer Rouge, nécessitait sans doute un voyage périlleux de plusieurs semaines. Le point d’ancrage le plus anciennement identifié de ces expéditions maritimes se trouve à Mersa Gaouasis. À cet endroit, des fouilles menées dans les années 1970, et reprises récemment en 2001 ont permis de montrer l’existence d’un point d’embarquement essentiellement à destination du pays de Pount. Ces dernières années, d’autres sites importants ont été successivement identifiés, qui rendent ce tableau plus complet : à Ayn Soukhna, au nord du golfe de Suez, les vestiges de bateaux entiers, qui avaient été démontés puis entreposés dans des galeries de stockage, ont été mis à jour entre 2006 et 2009. Plus récemment encore, une première mission au ouadi el-Jarf – un peu au sud de la ville côtière de Zafarana, sur le golfe de Suez, a permis en juin 2011 l’identification formelle du plus ancien port construit actuellement connu. 

 

Pierre TALLET
Les papyrus de la mer Rouge : derniers développements de la fouille du site portuaire du ouadi el-Jarf, golfe de Suez.

 


Le site du ouadi el-Jarf a fait l’objet, depuis 2011, de trois campagnes de fouille d’un mois par une mission jointe de l’université de Paris-Sorbonne et de l’Ifao. Ces opérations ont progressivement permis d’identifier sur ce point de la côte occidentale du golfe de Suez un établissement portuaire de grande taille ayant fonctionné au début de la IVe dynastie. On y relève la présence d’un système de galeries-magasins très développé, ainsi que celle d’installations côtières encore en place. La dernière mission menée sur le terrain a également occasionné la découverte d’un lot important de papyrus hiératiques bien datés du règne de Chéops, qui sont à ce jour les plus anciens connus.

 

Christophe THIERS
Un puzzle en cours d'étude: le temple ptolémaïque et romain de Tôd.

 

La reprise des travaux épigraphiques sur le site de Tôd, situé à une dizaine de km au sud de Louqsor, a dans un premier temps porté sur le temple ptolémaïque et romain consacré au dieu Montou. Depuis plusieurs campagnes, ce sont les centaines de blocs épars ayant appartenu aux parois du temple qu’il s’agit d’inventorier et d’étudier afin d’enrichir notre connaissance du programme iconographique et théologique du monument.

 

Francesco TIRADRITI
L'univers des couleurs de l'Égypte ancienne.

 

Le temps n'a pas affecté les couleurs utilisées par les peintres égyptiens dans la décoration de tombes. L'impression laissée lors de la visite de ces monuments est celle d’un travail achevé par les artistes le jour précédent. Quelques temples nous offrent encore des traces des tons originaux et les fouilles ont permis de découvrir des enduits colorés qui recouvraient le pavement, les parois et les plafonds des palais royaux et des édifices les plus importants. Malgré toutes les études dédiées principalement aux tombes peintes de la nécropole thébaine, l'univers des couleurs de l'Égypte ancienne reste encore un monde à explorer. Cette conférence propose un voyage de 2000 ans à la découverte du sens et de l'usage des couleurs dans l'Égypte ancienne dans le but de percevoir l'intime de la culture nilotique à travers les nombreuses traces picturales qu'elle nous a léguées.

 

Claude TRAUNECKER
La tombe-bibliothèque de Padiamenopé. Nouvelles découvertes, nouvelles lectures

 

La tombe de Padiamenopé à Louqsor est le plus grand hypogée d’Égypte (22 pièces sur 3 niveaux). Pourquoi ce personnage, contemporain des derniers rois de la XXVème dynastie (vers 650 avant J.-C.), un simple prêtre lecteur, a-t-il tenu à s’affranchir des usages et a-t-il conçu un monument unique en son genre ? Les travaux de Claude Traunecker et de son équipe ont permis de comprendre en partie le message de cet intellectuel égyptien. Son monument était non seulement un tombeau mais aussi une bibliothèque, un musée lapidaire, et selon les travaux récents un lieu de pèlerinage abydénien.

 

Claude TRAUNECKER
Promenades dans le labyrinthe des égyptologies: quelques réflexions épistémologiques

 


 L’égyptologie est une science d’érudition soumise aux règles de toute science.  Selon Amélineau (1899) « pour employer la méthode scientifique, il faut avoir deux choses, du temps et de l’argent. Elle n’est pas praticable aux gens pressés ». Mais même si ces deux denrées sont disponibles, comment discerner dans la jungle des objets disparates qui nous sont parvenus les indices révélateurs de l’inattendu. Comment se laisser surprendre par les anciens égyptiens ? Faut-il reconstituer les règles censées sous-tendre une civilisation ou simplement se contenter d’inventorier des faits ?   Ce séminaire se propose d’étudier et d’analyser quelques exemples de cheminements épistémologiques, parfois surprenants, tant dans les domaines archéologique que philologiques. 

 

Claude TRAUNECKER
Akhenaton, géographe du Disque

 

Dans de nombreux ouvrages, Akhenaton est présenté comme le premier penseur monothéiste de l’histoire. La découverte de documents récents conduit les chercheurs français à réviser cette approche. Il apparaît que le successeur d’Amenhotep III a repris un principe de théocratie déjà partiellement mis en pratique par son père et où la reine joue le rôle de la déesse Hathor. Il crée un nouveau dieu “ Horus Rê qui s’exalte à l’Horizon en son apparence de lumière qui est dans le Disque ”. Le Disque solaire (Aton) n’est que la manifestation tangible dans le sensible de la puissance créatrice de la lumière et de la chaleur. Aton n’est pas un dieu mais l’emblème de sa puissance. Il est Unique car il n’a pas de semblable, mais cette affirmation n’exclut pas les dieux d’Égypte. Bien au contraire car ils sont tous conviés à participer au culte du dieu d’Akhenaton. De plus nous savons maintenant que le site de Tell el Amarna fut choisi après des observations des mouvements célestes du Disque permettant de calculer la latitude moyenne du pays considéré de la 1ère cataracte et l’extrémité nord du Delta. Cette découverte majeure conduit à reconsidérer les bases mêmes du culte atonien et son fonctionnement théocratique.

 

Christian UBERTINI
Restitution architecturale à partir des blocs et fragments épars d’époques ptolémaïque et romaine à Éléphantine.

 

L’étude architecturale des blocs et fragments épars d’époques ptolémaïque et romaine de l’antique cité d’Éléphantine à Assouan, menée par l’Institut Suisse de Recherches Architecturales et Archéologiques de l’Égypte ancienne, a permis de restituer l’architecture de plusieurs temples jusqu’ici inconnus. Grâce à une approche basée sur l’analyse indiciaire des blocs (traces d’outils, tracés de construction, etc.) ainsi que sur la médiation de modèles comparatifs, l’ensemble du matériel, y compris les blocs anépigraphes, a pu être replacé virtuellement dans son contexte architectural d’origine. Ces temples font partie des dernières constructions édifiées à Éléphantine. La qualité d’exécution de leur maçonnerie et l’état de conservation exceptionnel des blocs ont permis d’exploiter au maximum les ressources du matériel conduisant à une restitution détaillée des temples, ceci en dépit du caractère lacunaire du matériel et de l’absence de vestiges in situ. Une première partie de ces travaux vient de faire l’objet d’une publication (C. Ubertini, Elephantine XXXIV, AV120, Mainz 2005) qui complète l’étude épigraphique publiée par E. Laskowska Kusztal (Elephantine XV, AV73, Mainz 1996). 

 

Michel VALLOGGIA

L'Égypte et les échanges internationaux aux IIIème et IIème millénaires av. J.-C.

Le grand commerce et, en particulier, les échanges internationaux étaient, de fait, des privilèges royaux; les "marchands" relevaient, en effet, des administrations de l'État ou des temples. Cependant, dès les hautes époques, des troupes ont voyagé, par terre et par mer, pour gagner la Nubie, le pays de Pount ou Byblos et y acquérir des produits étrangers.

Au Nouvel Empire, l'adoption d'un étalon monétaire tel que l'argent (pratiquement inconnu en Égypte) a, sans doute, favorisé ce commerce d'échanges internationaux.

Marie VANDENBEUSCH

Sur les pas de Seth ? L’ambivalente nature de l’âne dans la religion égyptienne

L’âne apparaît dans des sources de tous ordres, témoignant de sa prégnance dans l’univers égyptien antique. Une grande partie des attestations relatives à cet animal provient de documents économiques. Une autre réalité apparaît dans la documentation religieuse, où l’âne est le plus souvent interprété comme un représentant du dieu Seth. C’est ainsi qu’il est à la fois menaçant et menacé dans la littérature funéraire, magique et médicale. Cette présentation fera une synthèse de ces sources afin d’appréhender le regard multiple et complexe porté sur l’âne dans la religion égyptienne ancienne.

Robert VERGNIEUX
Découvrir l'Égypte en 3 dimensions

 

Si les nouvelles technologies permettent de simuler en 3D les édifices disparus de l'Égypte Pharaonique, elles permettent aussi de revisiter l'Égypte du XIXe siècle grâce aux photographies stéréoscopiques qui ont été prises dans la vallée du Nil depuis les origines de la photographie.
Après avoir évoqué les différentes techniques qui furent mises en oeuvre, nous ferons une promenade en stéréoscopie sur les sites archéologiques majeurs ainsi que dans la société nilotique du XIX.

 

Pascal VERNUS
Le papyrus dit « érotique » de Turin

 

Le papyrus « érotique » de Turin illustre combien une discipline scientifique demeure poreuse à l’ambiance morale de son temps. La réaction horrifiée de J.-Fr. Champollion quand il découvrit le document a gauchi sa destinée égyptologique. En témoigne, le nom même de « papyrus érotique ». Les débats sexuels auxquels il réfère n’occupent, en fait, qu’une partie du document, mais ce sont eux qui ont été jugés propres à le caractériser. Ce qui en dit long sur l’inconscient des égyptologues. L’autre partie est dévolue à des parodies animalières. Les artifices graphiques tendent à indiquer l’appartenance des deux parties à un même ensemble. Quelle finalité commune unissait donc, d’une part les ébats sexuels, d’autre part les parodies animalières, pour qu’ils aient été conjoints sur le même papyrus, à travers un apparat qui les conjugue en une bande dessinée présentée comme une unité ? Affleure une tendance assurément transculturelle - pensons au carnaval en occident - selon laquelle, en de certains contextes, les hiérarchies et les règles sont sinon abolies, à tout le moins moquées, et prises comme prétextes à amusement, voire tournées en dérision ou en ridicule. Dans l’Égypte pharaonique, cette tendance a été codifiée en tant qu’idéal du « divertissement » et du « suivre son désir », et intégrée à l’idéologie de l’élite dominante.

 

Pascal VERNUS
Des porcs pour Sakhmis !

 

On sait le statut ambigu du porc dans l’Égypte pharaonique. La zoo-archéologie a montré qu’il constituait une importance source de protéines animales dans la diète de nombre d’égyptiens. En revanche, sur le porc, particulièrement le porc mâle, pèse un tabou dans les croyances. Un mythe étiologique réutilisé à des fins funéraires rend compte de son interdiction comme offrande. Pourtant, dans certains cas, le porc était utilisé comme animal sacrificiel, en particulier pour Sakhmis, dans la mesure où on privilégiait dans l’ambivalence fondamentale de la victime animale, sa valorisation comme représentant le mal à détruire. On se propose d’analyser les documents illustrant ce statut exceptionnel.

 

Noémi VILLARS
L'offrande de l'oeil-oudjat dans les temples d'Égypte gréco-romaine

 

Les parois des temples égyptiens d’époque gréco-romaine sont recouvertes de tableaux représentant des scènes d’offrande. Sur celles-ci, le roi fait face à la divinité tutélaire du temple, ou d’autres divinités locales, à laquelle il apporte différents présents. Grâce aux textes qu’elles contiennent, ces scènes d’offrande nous donnent de nombreuses informations : chaque offrande a un but, autour duquel tourne le texte. Il est de fait important d’étudier chaque type d’offrande de manière individuelle, afin de pouvoir préciser sa nature, ses nuances et ses particularités, et celles de ses protagonistes. L’oeil-oudjat est lié à plusieurs mythes, qui sont par exemple royaux ou cosmiques, et est également utilisé comme outil de mesure. Il s’agit d’un symbole d’unité et par extension de santé, car il est intact. Les multiples symboliques de l’oeil-oudjat sont également très intéressantes à étudier, car elles sont liées avec de nombreux thèmes de l’Égypte ancienne. 168 scènes de ce rite sont situées dans l’ensemble des temples gréco-romains d’Égypte et de Nubie. La traduction complète de ces scènes d’offrande, l’analyse systématique de leur contenu d’un point de vue linguistique, théologique et thématique ainsi que de leur contexte a permis de comprendre en partie sa signification et ses relations avec d'autres types d’offrandes des offrandes dans les temples d’époque gréco-romaine. 

 

Youri VOLOKHINE
Ruines et paysages d’Ermant.

 

Située aux confins orientaux de la thébaïde, la ville d’Ermant ne laisse deviner de son flamboyant passé qu’un ensemble de ruines éparses. Au centre de l’antique Hermonthis, le voyageur pressé ne verra que des ensembles disjoints, des amoncellements de blocs, et de rares structures en place. Laissé presque en friche par l’archéologie depuis les années 30, le site ne recèle pas moins d’appréciables informations. Depuis 2001, une mission conjointe de l’Ifao et de l’Université de Montpellier a entrepris de se pencher sur ces monuments. Travaillant d’abord sur les structures arasées du temple de Ptolémée XII Néos Dionysos, la mission a pu mettre en lumière des pans nouveaux des théologies thébaines tardives, grâce à l’étude et à la publication des cryptes (aujourd’hui à ciel ouvert) du temple, qui étaient restées méconnues jusqu’à lors. C’est également à un survey général des témoignages antiques disséminés un peu partout dans la cité populeuse moderne que la mission se consacre. La présente conférence tentera de présenter les résultats des premières missions, tout comme les perspectives d’avenir.

 

Sandrine VUILLEUMIER
Autopsie d'un manuscrit: la nature et le rôle des rituels retranscrits par le P. Princeton Pharaonic Roll 10.

 

Des textes, des représentations monumentales, des calendriers ou de menus objets nous permettent de nous représenter ce qu’étaient les cérémonies célébrées dans l’Égypte antique. À partir de ces éléments, les égyptologues tentent de restituer le déroulement des rituels mis en œuvre dans les temples en faveur des dieux, ou dans les tombes à l’attention des défunts. C’est ainsi que l’on connaît relativement bien le Rituel du culte divin journalier et le Rituel de l’Ouverture de la bouche notamment, ou des rites plus spécifiques comme par exemple les Mystères célébrés en l’honneur d’Osiris au mois de Khoiak. La question même du rituel et de ses pratiques continue d’être analysée par les spécialistes. Le papyrus Princeton Pharaonic Roll 10, dont je prépare l’édition critique, s’y rattache puisqu’il contient un ensemble de rituels et de liturgies réunis en faveur d’un prêtre d’époque tardive. Si ces textes ont été clairement réunis dans un but funéraire, on peut se demander quelle volonté rédactionnelle a prévalu à la création de ce manuscrit ? D’ailleurs, était-il destiné à accompagner le défunt dans l’au-delà ou plutôt à être lu lors de cérémonies funéraires ? D’où tire-t-il son origine ? Peut-il être mis en lien avec une fête, un lieu spécifique ou une tradition particulière, et si oui lesquels ? Et qui était ce personnage qui ne s’est pas contenté d’un magnifique Livre des Morts illustré de belles vignettes ? Que de questions, auxquelles il faut tenter d’apporter des réponses.

 

Harco WILLEMS
Une perspective théologique sur les cachettes royales de la 21e dynastie.

 

Vers la fin du 19e siècle furent découvertes la grande cachette royale (TT320) et la cachette des momies des prêtres de Montou au Bab al-Gasous. Depuis, plusieurs cachettes plus petites ont aussi été trouvées en d'autres endroits. Ces découvertes nous ont livré les momies bien conservées de la plupart des rois du Nouvel Empire, mais aussi un  nombre énorme de cercueils appartenant aux prêtres de Karnak.
Les cachettes royales sont généralement expliquées comme le reflet d'un souci de protéger les corps royaux du Nouvel Empire après qu'ils avaient été attaqués par des voleurs vers la fin du Nouvel Empire. Leur création par des prêtres thébains démontrerait donc un esprit pieux envers les rois d'antan.
Mais depuis quelques années, il est devenu de plus en plus clair que les prêtres eux-mêmes étaient dans une large mesure les responsables des spoliations des tombeaux royaux. Cette conférence développe une nouvelle approche pour expliquer la raison d'être des cachettes royales.

 

Harco WILLEMS
L'irrigation dans l'Egypte antique.

 

C'est un cliché que de dire que l'Egypte fut le don du Nil. Mais il reste que le rythme des inondations et des baisses de ce fleuve déterminaient en grande mesure le fonctionnement de la société égyptienne. Le régime de l'irrigation a déjà attiré beaucoup d'attention. Mais trop souvent, ce régime a été expliqué de façon anachronique, la situation régnant vers la fin du 19e siècle étant prise comme modèle de base. Ce séminaire fait la tentative de développer une hypothèse nouvelle, qui prend comme point de départ la reconstitution du paysage de la région d'al-Achmounein avant les innovations du 19e siècle. Le séminaire tente de développer une méthode qui intègre des informations tirées de cartes historiques, combinées avec des acquis archéologiques, géomorphologiques, et toponymiques. Nous allons essayer, sur cette base, de développer un modèle interprétatif nouveau, qui englobe toute la région entre Assiout et le Delta, et de montrer comment la dépression du Fayoum peut être comprise comme un système régulateur ayant comme but d'optimaliser les effets de l'inondation dans toute cette vaste région. 

 

Jean WINAND
Le mur d'enceinte du temple d'Amon-Rê à Karnak.

 

Le mur qui ceinture la partie centrale du temple d'Amon-Rê à Karnak, sur l'axe ouest-est, fut construit par Thoutmosis III. La décoration que l'on peut contempler aujourd'hui est l'oeuvre de Ramsès II. Après une présentation générale, la conférence abordera les principaux problèmes posés par l'étude de ce monument: gestion des blocs épars, étude architecturale, reconstitution diachronique, graffiti, etc.

 

Annik WÜTHRICH
Le renouveau des concepts funéraires à la Troisième Période intermédiaire à la lumière de six formules du Livre des Morts.

 

La Troisième Période intermédiaire marque une rupture importante dans l’histoire égyptienne. Outre les problèmes politiques et sociaux qu’elle produit, elle est l’occasion d’un renouveau idéologique engendré par la montée en puissance du clergé amonien qui sera à l’origine de la création de textes novateurs. Ainsi, plusieurs formules seront ajoutées au Livre des Morts. Alors que certaines d’entre elles n’apparaissent que ponctuellement, une série de chapitres sera utilisée de façon récurrente jusqu’à la fin de l’époque ptolémaïque, voire intégrée à d’autres livres funéraires. Identifiés et recensés en 1882 par Pleyte, les chapitres supplémentaires 162 à 167 ont été rédigés dans la mouvance des courants idéologiques de l’époque. Ils comportent des caractéristiques qui les rendent tout à fait originaux dans le corpus traditionnel de ce livre funéraire. Pour la première fois, Amon apparaît comme une divinité à caractère funéraire en plus de ses attributs habituels. La Nubie et sa magie tiennent également une place importante que l’on observe notamment à travers l’emploi de termes méroïtiques. La langue de rédaction s’éloigne de l’égyptien de tradition pour intégrer des tournures propres à cette période. 

 

Pierre ZIGNANI
Tremblements de terre dans la vallée du Nil
L’enseignement des bâtisseurs des pharaons

 

En termes de désastres, les écrits de l’Égypte pharaonique ne semblent pas retenir l’aspect dramatiquement humain des tremblements de terre. Cela permet-il, pour autant, de croire que sous les Pharaons, les tremblements de terre étaient inexistants, ou tant espacés dans le temps et modérés en intensité qu’ils n’étaient associés qu’à une forme d’allégresse des dieux ?
L’argument d’une destruction d’origine sismique est cependant bien présent dans le récit de voyage de Strabon qui rapporte, sans en avoir été le témoin direct, que les dégâts du colosse de Memnon sur le parvis du temple d’Amenhotep III à Thèbes sont imputables à un tremblement de terre. Le recours ancien à un tel argument ne permet pas de souscrire trop rapidement à l’idée d’une sismicité légère et peu fréquente dans la vallée du Nil. 
L’hypothèse de secousses sismiques est parfois formulée par les archéologues pour expliquer des dégâts sur des structures. Loin d’une image romantique, mystérieuse et pittoresque véhiculée aujourd’hui autour des vestiges de l’architecture pharaonique, l’observation de la technique constructive permet, en s’interrogeant sur l’origine de détails et de mises en oeuvre, de proposer l’existence d’une véritable culture sismique dans l’art de bâtir des Anciens Égyptiens.  

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